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Climat : à Tunis, les scientifiques alertent sur une Méditerranée au bord de la rupture

À l’occasion d’un atelier régional tenu ce week-end à Tunis, chercheurs et experts ont dressé un constat sans appel : la mer Méditerranée, berceau de civilisations et carrefour d’échanges millénaires, se transforme à grande vitesse sous l’effet du changement climatique, de la pollution et d’une urbanisation mal maîtrisée. L’urgence est désormais scientifique, politique et humaine.

Tunis, un matin de décembre. Dans une salle sobre du centre des sciences de la mer, les visages sont graves. Devant un parterre d’universitaires, de journalistes et de responsables d’ONG, les intervenants du premier atelier maghrébin sur l’état écologique de la Méditerranée partagent des données qui font froid dans le dos : en cinquante ans, la température moyenne de la mer a augmenté de 1,4 °C, soit près du double de la moyenne mondiale. La biodiversité s’effondre, les zones côtières s’érodent, et les épisodes extrêmes — canicules marines, tempêtes, inondations — se multiplient.

« Nous sommes en train d’assister à la transformation d’une mer vivante en un bassin semi-stérile », résume la biologiste tunisienne Leïla Ben Maïssa, qui travaille depuis vingt ans sur les écosystèmes marins du golfe de Gabès. Les pêcheurs qu’elle côtoie chaque jour racontent les mêmes choses : des poissons qui migrent vers le nord, des algues invasives qui prolifèrent, des plages qui reculent.

Au-delà des chiffres, c’est une alarme sociale. Des dizaines de milliers de familles méditerranéennes dépendent de la pêche artisanale, menacée par la surpêche industrielle et la disparition des espèces traditionnelles. À cela s’ajoute la pression démographique sur le littoral : 40 % de la population du Maghreb vit désormais à moins de 50 km des côtes. Entre béton, déchets et tourisme de masse, la mer suffoque.

La Méditerranée, miroir du dérèglement planétaire

Pour les scientifiques réunis à Tunis, le message est clair : la Méditerranée n’est plus seulement un espace de contemplation ou de mémoire, elle est devenue un laboratoire du futur climatique. « Ce qui se joue ici annonce ce qui attend d’autres régions du monde », insiste le chercheur marocain Youssef Bouhali, spécialiste des courants marins. L’accélération du réchauffement y est telle que certaines zones pourraient connaître des conditions proches des tropiques d’ici trente ans.

La réunion a également souligné l’urgence d’une gouvernance régionale plus forte. Car si la mer est partagée, les politiques publiques restent fragmentées : d’un côté, l’Union européenne finance des programmes de dépollution ; de l’autre, plusieurs pays du Sud peinent à faire respecter les réglementations ou à investir dans les énergies propres. La coopération reste timide.

Pourtant, partout, des signaux d’espoir émergent. En Tunisie, des associations locales restaurent les herbiers de posidonie, véritables puits de carbone marin. En Algérie, des ingénieurs développent des systèmes de filtration pour réduire les rejets industriels. Et au Maroc, des projets pilotes testent la reforestation côtière pour stabiliser les dunes.

Reste une conviction partagée par tous : la Méditerranée, si elle s’éteint, emportera avec elle bien plus que des poissons ou des coraux. « C’est notre culture, notre identité commune qui disparaîtrait », conclut Leïla Ben Maïssa. Une phrase que l’assistance, silencieuse, a accueillie comme un avertissement – mais aussi comme un appel à agir.

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