« La Tunisie ne peut pas vivre sans tourisme », déclare René Trabelsi, vice-président de la fédération de l'hôtellerie à Jerba... (DR)

Tunisie: nécessité vitale d’une industrie à forte valeur ajoutée

« Points vitaux, deux mots qui recèlent toute la magie des arts guerriers, deux mots qui évoquent un savoir initiatique constamment mystifié. Il est l’Art Sublime parce qu’extraordinaire et sublime, il est Art ultime parce que terriblement efficace !.... » Ainsi s’exprimaient Fujita Saiko 10ème dan de ninjutsu et Henry PLée 10ème dan de karaté dans leur ouvrage intitulé « L’art sublime et ultime des points vitaux »

Terriblement efficace… Et c’est le moins que nous puissions penser quand nous devons évoquer l’attentat meurtrier perpétré ce 18 mars au musée Bardo de Tunis.

Terriblement efficace de par l’impact dévastateur qu’il fait subir à l’économie tunisienne. Une économie essentiellement tournée vers le tourisme. Véritable poumon économique qui se retrouve aujourd’hui noyé dans son œdème… perforé par les balles du terrorisme !

«Cette attaque est lâche. Elle vise l’économie tunisienne, un secteur sensible et en crise », déclarait le Premier ministre, Hassib Essid.

Pour prendre la mesure de la place que tient en Tunisie le tourisme, retenons ses quelques données : Le secteur représente 7% du PIB du pays, et fait directement vivre près de 400 000 personnes, soit 3% à 4% de la population du pays.

« La Tunisie ne peut pas vivre sans tourisme », déclare René Trabelsi, vice-président de la fédération de l'hôtellerie à Jerba, qui souligne que deux millions de Tunisiens vivent indirectement des recettes touristiques.

Terriblement efficace comme point vital à briser en miettes ce tourisme tunisien qui déjà de par la révolution de 2011 claudiquait jusqu’à la paralysie de ses membres porteurs quand le taux de fréquentation chutait de 12% selon les chiffres du ministère du tourisme avec en 2014, 6 millions de personnes qui ont visité le pays contre 6,9 millions de touristes en 2010.

Houcine Krimi, représentant du secteur hôtellerie au syndicat UGTT a pu déclarer « Nous attendons le soutien des Européens ». Sauf que quand s’est produit dans le musée ce terrible carnage, ce sont pour les croisiéristes italiens MSC ET Costa un bilan en pertes humaines qui donne le tournis : pour MSC neuf morts (trois Japonais, deux Colombiens, deux Espagnols et deux Français), 12 blessés et six disparus. Et pour Costa, trois morts, huit blessés et deux disparus parmi ses passagers.

Du coup ces paquebots capables de transporter 3000 touristes se détournent du port de la capitale tunisienne

Et si les Italiens ont pour l’heure suspendu leur accostage, il en est de même pour le croisiériste allemand Hapag-Lloyd qui a également décidé d'annuler son seul passage à Tunis prévu dans les prochains mois. Le départ fut prévu le 6 avril et la compagnie cherche un autre port d'escale.

Thomson Cruises, une filiale britannique de TUI, (TUI : leader allemand du tourisme avec 74.000 employés dans 130 pays, six compagnies aériennes et leurs 140 avions, plus de 300 hôtels et 12 navires de croisière), tout comme le voyagiste britannique Thomas Cook, ne desserviront pas Tunis mais assureront des liaisons vers d'autres sites de villégiature dans le pays.

Du côté des touristes français, les excursions ont également été suspendues, et selon René-Marc Chikli, président du Syndicat des tour-opérateurs français (Seto), qui regroupe quelque 70 voyagistes tels TUI France, Fram, Club Méditerranée, Voyageurs du monde ou encore Kuoni France : « Les clients restent solidaires, on n'a pas eu de vague d'annulationsLa confiance reviendra s'il y a une sécurisation de l'ensemble des sites".

Par forcément encourageant quand l’on s’aperçoit que, malgré une sécurisation tout azimut des sites tunisiens, il existe un effet de contamination de la terreur. Cela fut notamment remarqué lors de la sauvage exécution de l’otage français feu Hervé Gourdel en Algérie…

Un coup d’arrêt franc fut alors asséné à l’attractivité du Maroc et de la Tunisie ! La fréquentation touristique y avait baissé d'environ 15% dans les semaines suivant l’exécution, selon les déclarations de plusieurs responsables du secteur.

La capacité de l’État à résoudre le problème du chômage et à rendre l’espoir aux régions défavorisées

Là résonnent de manière singulière les déclarations faites par Kamal Ayadi, expert international en politique et stratégie de la transparence et en développement régional,  qui, invité à participer à une journée d’étude organisée par  le Centre des Études et des Recherches Économiques et Sociales sur les perspectives de l’économie tunisienne,  déclarera le 03 mars dernier :

« Les perspectives de l’économie tunisienne dépendront de la capacité de l’État  à engager  les réformes connues et identifiées : la capacité de l’État à créer l’inclusion sociale. C’est-à-dire à intégrer les couches marginalisées et à résoudre le problème du chômage, notamment le chômage des diplômés  et à rendre l’espoir aux régions défavorisées. Je vous rappelle que la situation dans les régions est un frein au développement économique.

La capacité à réhabiliter l’administration… Actuellement l’administration tunisienne est passée d’une incapacité conjoncturelle à une incapacité structurelle. L’élément qui nous autorise à faire cette analyse c’est l’incapacité de l’État à réaliser  les projets et les investissements.

La Tunisie est divisée en deux : celle des 14 gouvernorats et la Tunisie orientale (la cote)… La fracture sociale est une fracture qui menace. Elle ne peut être réparée qu’avec des réformes structurelles et avec des projets concrets pour qu’elle ne soit pas une bombe à retardement….

Le modèle de développement qui a été hérité du temps de Ben Ali est un modèle basé sur l’économie de bouts de chandelle, sur des activités industrielles à faible valeur ajoutée… On ne peut pas du jour au lendemain inventer une économie industrielle à forte valeur ajoutée si  le niveau de créativité et d’intelligence des Tunisiens est tel quel. C’est le niveau de créativité  du Tunisien qui va dicter finalement  le schéma de développement.

Cela va nécessiter l’exportation des services et le positionnement de la Tunisie dans ce secteur  et la promotion et la valorisation de l’intelligence collective pour l’orienter vers une industrie à forte valeur ajoutée. »

Une industrie à forte valeur ajoutée pour que cette dépendance au tourisme puisse s’atténuer et que l’économie tunisienne ne laisse pas ses atouts devenir des points vitaux vulnérables que certains ont opportunément identifiés pour leurs intérêts comme… terriblement efficaces !