Algérie : la colonisation française enfin reconnue comme crime – une vérité historique que Paris peine encore à affronter
Cette fin d'année 2025 restera comme une période symbolique dans l’histoire des relations franco-algériennes. L’Assemblée nationale algérienne a adopté, à une large majorité, une loi reconnaissant officiellement la colonisation française comme un crime. Le texte, qui criminalise également toute glorification de la période coloniale, a déclenché une série de réactions contrastées entre Alger et Paris.
Pour l’Algérie, cette reconnaissance n’est pas une posture politique : elle relève de l’évidence morale et historique. La colonisation fut, dans tous les cas, un crime. Un crime contre les peuples, contre la dignité humaine, contre la mémoire. En ce sens, l’adoption de cette loi ne constitue pas une provocation, mais une mise au clair, un acte de vérité. Elle s’inscrit certes dans un contexte de tensions diplomatiques – marqué par des crispations récurrentes autour des visas, des échanges économiques ou de la mémoire – mais elle n’en demeure pas moins profondément légitime.
La France, de son côté, a réagi avec véhémence, qualifiant cette décision de « geste hostile » et de « provocation inutile ». Une réaction pour le moins paradoxale : comment une ancienne puissance coloniale peut-elle contester encore, en 2025, la qualification de crime pour un système fondé sur la dépossession, la violence et la domination ? La France officielle semble prisonnière d’un double discours, oscillant entre reconnaissance symbolique et déni politique.
Le regard des historiens : entre reconnaissance et résistance
Parmi les voix françaises qui se sont exprimées, celle de l’historien Benjamin Stora, auteur du rapport sur la mémoire de la colonisation remis à Emmanuel Macron en 2021, se distingue. Stora a rappelé que « la reconnaissance des violences et des injustices commises durant la colonisation ne devrait pas être perçue comme une menace, mais comme une étape vers une réconciliation sincère ». Une position équilibrée, mais minoritaire dans le débat public français, où certains responsables politiques continuent de refuser l’emploi du mot « crime ».
Pour Stora, la décision algérienne est avant tout « un signal adressé à la jeunesse », celle d’un pays qui cherche à tourner la page sans effacer son passé. « La mémoire n’est pas un outil diplomatique, c’est une responsabilité partagée », a-t-il insisté.
Une vérité qui dérange, mais qui s’impose
Au-delà de la polémique immédiate, la portée symbolique de cette loi est immense. Elle réaffirme le droit d’un peuple à nommer sa souffrance et à rétablir une vérité historique souvent tronquée. La colonisation française en Algérie, entre 1830 et 1962, a causé des millions de morts, la confiscation des terres, l’effacement culturel et des décennies d’humiliation. La qualifier de crime n’est donc ni outrance ni revanche : c’est justice.
En refusant d’affronter pleinement cette vérité, la France risque de s’enfermer dans une posture d’arrogance mémorielle, alors même qu’une majorité de citoyens des deux rives aspirent à une relation apaisée et lucide. Reconnaître le crime colonial ne revient pas à s’autoflageller, mais à faire œuvre de vérité et de paix.
Dans les rues d’Alger, les réactions oscillent entre fierté et soulagement. « Il était temps que notre histoire soit écrite par nous-mêmes », confie Aïcha, 62 ans, fille d’un ancien résistant. Un sentiment partagé par de nombreux jeunes Algériens, pour qui cette loi marque la fin d’un tabou et le début d’une mémoire assumée.
Car si la colonisation fut un crime, la reconnaissance de ce crime est, elle, un pas vers la réconciliation. Et c’est peut-être là, au-delà des postures politiques, que se joue le véritable enjeu historique de cette fin d'années 2025.