Algérie : le marché immobilier freiné par l’obligation du paiement par chèque
Depuis janvier 2025, le gouvernement algérien a imposé que toutes les transactions immobilières soient effectuées par chèque ou par virement bancaire. Cette décision, qui vise à assainir le secteur et à lutter contre le blanchiment d’argent, bouleverse en profondeur le fonctionnement d’un marché historiquement dominé par les paiements en espèces. En apparence, la mesure paraît logique et conforme à une volonté de modernisation économique. En pratique, elle provoque un coup de frein brutal sur les ventes et révèle la fragilité structurelle du marché immobilier algérien.
Une réforme qui expose les fragilités structurelles du marché algérien
À Alger, Oran ou Constantine, les agences immobilières décrivent un début d’année morose. Les transactions sont en recul sensible, parfois de plus de 40 % selon certaines estimations du secteur. Les acheteurs, souvent habitués à des échanges en liquide, se montrent réticents à formaliser leurs opérations bancaires. « Beaucoup de clients ont peur d’être tracés ou de voir leurs économies contrôlées », confie un agent immobilier de la capitale. De leur côté, les vendeurs préfèrent suspendre leurs projets dans l’attente d’une stabilisation du marché.
Ce blocage traduit un décalage entre les ambitions de l’État et la réalité socio-économique du pays. Le recours au chèque, perçu comme une garantie de transparence, suppose une bancarisation large et une confiance dans le système financier — deux conditions encore loin d’être acquises. Le taux de bancarisation reste inférieur à 50 % et la circulation de cash demeure un pilier de l’économie informelle. La réforme, sans accompagnement pédagogique ou incitation fiscale, crée donc un effet paradoxal : elle freine la formalisation qu’elle prétend encourager.
Sur le terrain, les professionnels s’organisent. Certains notaires acceptent de prolonger les délais de signature, d’autres proposent des solutions mixtes, où le dépôt initial se fait par chèque et le solde par virement. Les promoteurs, eux, plaident pour un assouplissement temporaire, le temps que le marché s’adapte. Cette transition pourrait durer plusieurs mois, voire tout au long de 2026.
Mais au-delà du court terme, cette réforme met en lumière un enjeu majeur : la structuration du secteur immobilier algérien. Si l’État parvient à faire respecter durablement le paiement par voie bancaire, il pourrait enclencher une mutation positive — une meilleure traçabilité des flux, une taxation plus juste, et à terme, une plus grande stabilité des prix. Toutefois, sans accompagnement global (crédit immobilier plus accessible, digitalisation des procédures, fiscalité claire), la réforme risque de renforcer la défiance plutôt que la transparence.
Le marché algérien, en 2025, se trouve donc à la croisée des chemins : entre modernisation nécessaire et inertie d’un système encore très dépendant de l’informel. Une équation complexe que les prochains mois permettront d’évaluer à l’aune des réalités économiques du pays.