Algérie : la carte du secteur public productif pour contrer l’économie de bazar
C’est la première bonne nouvelle du troisième mandat d’Abdélaziz Bouteflika : le gouvernement envisage un soutien « illimité » à l’agriculture et surtout un sérieux coup de pouce aux «entreprises publiques qui disposent d’un marché et de capacités de production», a déclaré Ahmed Ouyahia, Premier ministre, en présentant le « plan d’action du chef de l’Etat», devant les représentants des deux Chambres. Ce dernier volet ( les entreprises) constitue un tournant dans la politique économique jusque-là adoptée.
C’est en effet le même pouvoir, doté d’une équipe dirigée par le même Premier ministre qui a précipité la chute des entreprises publiques, dans un élan dévastateur en faveur d’une libéralisation tous azimuts de l’économie, laissant sur le carreau des centaines de milliers de travailleurs, sans oublier cependant de caser des vagues de dirigeants à la tête de « holdings », véritable abris opportunément crées pour protéger des rentiers sur les cendres du secteur public.
Résultat de cette désarticulation brutale de l'économie nationale : Le marché s’est transformé en un immense bazar gorgé de gadgets, berceau de la contrefaçon. Le modèle de consommation est devenu un enchevêtrement de comportements incohérents, un entrelacs de situations qui frisent l’absurde : les familles aux revenus modestes s’endettent par exemple pour acheter des véhicules importés que les routes ne peuvent plus accueillir et se privent de soins médicaux, insuffisamment remboursés par la Sécu. Les entreprises de téléphonie mobile se disputent un marché devenu inépuisable, tandis que flambent périodiquement les prix des produits agricoles. Le travail au noir fait tache d’huile, c’est le règne de la débrouille dans la jungle des petits boulots, des droits sociaux écrasés.
Et dans l’Algérie d’aujourd’hui, l’argent, sale, mal acquis, celui, entre autre, du terrorisme, infeste les circuits économiques, pourrit les transactions, file au nez et à la barbe du fisc, et fait la joie des corrupteurs et corrompus de tout gabarit.
Les gouvernements algériens successifs se sont montrés jusque-là incapables de stopper cette coulée nocive, véritable poison dans les rouages économiques, de même qu’ils n’ont pas su canaliser le peu d’investissement étranger et national vers la satisfaction des besoins sociaux. Les autorités tenteraient-elles à présent de redresser la barre à l’aube du troisième mandat de Bouteflika ? Il est évidemment encore trop tôt pour le dire ainsi, à ce stade des grandes déclarations. Mais rien n’interdit de l’espérer si volonté politique il y a vraiment de remettre le système sur la tête et d’affronter lobby et intérêts occultes.
Une chose au moins est sûre : redonner un nouveau souffle au secteur public productif est un passage obligé pour reconstruire une économie digne de ce nom, qui incite à l’investissement, plutôt qu’au négoce parasitaire (cher aux intégristes islamistes) et à la spéculation, place l’emploi et l’équilibre régional au centre des enjeux. La voie qui s'impose pour inverser cette tendance périlleuse à l’enracinement de l’économie bazar, freiner la régression.