Algérie : la machine est en route, qui doit reconduire Bouteflika à la tête de l’Etat.
Finies les supputations et autres rumeurs pour le moins scabreuses, allant jusqu'à laisser supposer la candidature surprise du frère du chef de l'Etat. Non, l'Algérie ne s'est pas encore complètement noyée dans l'absurde. Le pays est encore debout, mais il fonctionne toujours sur le même principe de l'appropriation du pouvoir par un clan derrière une démocratie de façade.
Les Algériens sont donc appelés aux urnes le 9 avril. L’actuel président, dont la candidature a finalement été annoncée en grande pompe, s’apprête à mener un semblant de bataille électorale face à des figurants, acteurs symboliques pour un scénario truqué. Sauf imprévu, sa réélection ne fait aucun doute, mais il y a un grain de sable : le risque d’une très forte abstention.
Celle-ci constitue visiblement un véritable casse-tête pour les autorités, lesquelles s’affairent pour créer un climat artificiel de campagne et convaincre les électeurs. Tant qu’à faire, il ne faut pas seulement s’atteler à briser l’indifférence, mais appeler surtout à voter Bouteflika.
C’est donc le branle-bas de combat. « Souterrains » ou à l’air libre, tous les réseaux sont actionnés, dans le secteur associatif, dans le monde des affaires, dans l’Administration, et jusque dans les sphères d’influence des zaouïas. Etats majors et militants des partis dits de « l’alliance présidentielle », hordes d’affairistes, de mafieux redevables, de courtisans et d’opportunistes de toute catégorie… tout ce monde-là est sur le pont. Le ton est donné, on se serre les coudes autour de la nomenklatura. Et les groupes de « soutien » poussent comme des champignons.
La bénédiction du « pouvoir de l’ombre », en l’occurrence l’armée, qui a par ailleurs fait place nette en dissuadant toute personnalité d’envergure d’entrer en compétition, n’est à l’évidence pas suffisante pour donner un minimum de crédit au scrutin. Il faut alors fabriquer à la hâte une société civile pour porter la candidature de Bouteflika.
Quid, dans ce contexte, de l’opposition ? Force est de reconnaître qu’elle est quasiment éteinte. Et pour cause, les périmètres d’expression démocratique se sont réduits comme peau de chagrin sous les deux mandats de Bouteflika, tout autant que la liberté de la presse. Les syndicats qui ne sont pas aux ordres sont réprimés et pas reconnus. Les intellectuels opposants ont en grande majorité jeté l’éponge et choisi la voie de l’exil.
Adossé à une masse financière confortable, nourri de la rente pétrolière, le pouvoir en place s’accommode de ce qu’il faut bien appeler la décomposition de la société algérienne sous l’effet de la corruption, du règne absolu de l’argent et de l’obscurantisme rampant. Le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) est le seul parti d’opposition à se faire entendre. Mais faute de renfort et d’alliance, il peine à déclencher une dynamique.
La machine est donc enclenchée, qui doit reconduire Bouteflika à la tête de l’Etat. La voie est libre, et le terrain bien balisé. Reste le mystère qui entoure sa santé et donc sa capacité physique à faire campagne. La tâche reviendra sans doute à ses lieutenants, dirigeants des partis de l’Alliance, qui iront prêcher la bonne parole en sa faveur au-devant du peuple. Une grosse mascarade en somme, pour une présidence... à vie.