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Face à la fatalité du Sous-développement: morosité sous le ciel d’Algérie

En ce mois de janvier 2009, à moins de trois mois des élections présidentielles, le tableau algérien n’est pas gai : Un sous-développement chronique malgré une baraka sans pareille avec de grasses recettes pétrolières durant les deux mandats du président sortant Abdelaziz Bouteflika. Un président pour qui la constitution a été révisée afin de permettre un nombre de mandat illimité quand on ne pouvait, jusqu’alors, ne postuler que deux fois à la présidence de la république. Regard sur un pays damné.

Chantiers et désespoir sans fin
C’est vrai que la pluie et la gadoue de ces chantiers interminables jouent aussi sur le moral. En plus de ces monticules d’ordures ménagères omniprésents depuis que les collectivités ne savent plus ramasser les poubelles.

Après plus d’un demi siècle de promesses politiques sur le développement, les Algériens ont compris que les sommes d’argent colossales investies dans les grands travaux ne suffisent pas à améliorer leurs conditions de vie.

Parce que dans ce pays de près de 33 millions d’habitants, aux ressources naturelles immenses, la pauvreté n’a jamais été la cause réelle de la crise sociale généralisée. Pas de doute, toutes les personnes que vous pourrez interroger, dans la rue ou dans les administrations, vous diront que les origines du malaise algérien sont à chercher dans le mode de gouvernance depuis l’indépendance avec une aggravation depuis la mort de feu Houari Boumediene.

Un président connu pour son autoritarisme, impitoyable avec ses adversaires mais qui a laissé aussi le souvenir d’un idéologue sans appétit démesuré pour la richesse ou le détournement des biens publics. Contrairement au régime qui lui succèdera, caractérisé par la collusion dangereuse avec des milieux d’affaires plus proches de la maffia que de la culture d’entreprise.

C’est un l’un des paradoxes de l’Algérie de ce début du XXI e siècle que celui de regretter un tant soit peu un dictateur, du moins pour les moins jeunes qui s’en souviennent et peuvent comparer les époques.

Bouteflika, la cruelle déception
Ces derniers jours, sur fond de massacre à Gaza, qui rajoute de la peine dans l’âme de citoyens pas tout à fait sortis de la tourmente terroriste, l’ambiance en Algérie est plutôt à la morosité.

Celui qu’on a voulu présenter comme le dauphin de Boumediene, l’actuel président Abdelaziz Bouteflika, a perdu ses talents d’illusionnistes, neutralisés par près de 10 ans de ses errements politiques à la tête du pays. «Dix années de perdues», déclarent les plus objectifs, ceux qu ne veulent plus critiquer de façon partisane tant la classe politique, opposition y compris, ne sait plus catalyser la rancœur des gouvernés. 

Assia, jeune diplômée de l’ENA, Ecole Nationale de l’Administration, nous a fait cet aveu: «On a encore plus mal lorsque l’on se rend compte que nos dirigeants savent comment ils auraient dû faire mais qu’ils ont préféré opter pour des choix politiques et économiques en raison de paramètres égoïstes, pour préserver leur hégémonie en nous condamnant à l’anarchie, la jungle». Puis, baissant la voix, elle nous dira avec une certaine tristesse «De toute façon on le leur laisse leur pays, leur propriété privée, on pense tous à partir… »

Un cadre, cheveux grisonnants, apparemment agacé par les propos d’Assia, voudra donner son avis: «Boutef n’a rien à voir là-dedans, des milliers de logements ont été construits, des routes, des ponts, des écoles, de nouvelles infrastructures …mais les Algériens trafiquent, trichent, sont gourmands, fainéants…Le problème est en nous» Lorsque  nous lui demandons si lui aussi aurait aimé s’expatrier, il sourit et lâche un «si j’étais plus jeune…»

Trop de verrous
Quand on circule dans la capitale, Alger ou sa périphérie, on est frappé par le nombre de véhicules flambant neufs qui forment d’interminables bouchons. Beaucoup regrettent l’endettement auprès des banques pour l’achat d’une voiture aux services empoisonnés. Des heures pour parcourir moins de 10 km.

Sans parler de ces innombrables barrages, sortes de check point, dont la majorité des citoyens pensent qu’ils sont en nombre exagéré et ne répondent pas efficacement à leur objectif de sécurisation du périmètre urbain. Beaucoup nous ont dit discrètement, que ce dispositif policier trop lourd au quotidien, leur sape le moral. D’autres, plus politisés, s’interrogent «A quoi aura servi leur réconciliation nationale?»

Allusion faite à l’amnistie décrétée en 2005 au profit des terroristes qui voudraient bien se rendre en plus de l’élargissement de prisonniers de cette mouvance islamiste armée avec et enfin des mesures sociales d’accompagnement comme l’octroi de postes de travail ou d’enveloppes d’argent… Une politique nationale pas toujours comprise par le commun des mortels qui y voient plus un grand sens de la manœuvre qu’une réelle emprise sur les problèmes des Algériens.

Le chômage continue de voir grossir ses rangs en dépit de dispositifs d’insertion de diplômés placés comme figurants dans des administrations avec un salaire misérable et pour une durée limitée.

Parallèlement à ces difficultés, l’expression de toute insatisfaction demeure interdite. Les syndicats sont sabordés systématiquement, réprimés ou ignorés. Les marches comme celle de soutien au peuple palestinien sont interdites, la presse privée, dite indépendante, est mise au pas dans un climat de désengagement général face à la machine à corrompre les militants très opérante surtout depuis l’arrivée de Bouteflika à la magistrature suprême.

Culte de l’argent et mythe de l’Exil
Il existe néanmoins des gens bien satisfaits de cette conjoncture dans une Algérie généreuse qui alloue de gros crédits de financement géniteurs de «tchipa»- dessous de tables- dont ne privent ni les commis de l’Etat les plus corrompus ni certains relais politiques de connivence dans la gabegie ambiante.

Ce qui aurait pu être l’occasion d’une relance économique formidable autour des grandes réalisations indéniables du dernier plan quinquennal, avec des projets tels d’achèvement du métro d’Alger, construction de milliers de logements, hôpitaux, voies ferrées, autoroute Est-ouest sur près de 900 kilomètres, nouveaux aéroports, infrastructures portuaires, expansion des réseaux du gaz de ville… s’est transformé en une grande kermesse pour la dilapidation du denier public avec un gaspillage jumelé à une opération de prélèvements maffieux.

En marge de ce grossier partage du gâteau, des nués de jeunes et moins jeunes vivotent, survivent de petits boulots précaires en s’inventant des projets de  départ vers les pays développés. Des projets d’exils auxquels la drogue, désormais répandue et accessible pour tous, vient greffer ses délires enthousiastes. D’autres s’en remettent au ciel, avec une ferveur religieuse où l’exhibitionnisme renseigne sur ce besoin permanent, chez ces fragiles dévots, de se convaincre du salut divin.

L’Algérie, à l’instar de tous les autres pays sous-développés, s’inscrit en amont de la tragédie des nouveaux boat people, appelés ici Harragas, avec cette différence majeure que rien ne justifie tant de détresse sur une terre si gâtée  par la nature. 

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