Festival d’Avignon: Aziz Hellal et sa troupe : un cri du coeur pour le "vivre ensemble"
C’est bien connu, la version « off » du Festival d’Avignon réserve en général de belles surprises. Jouées dans les coins recoins de la ville, ces pièces de théâtre font le charme de l’événement. Les troupes qui tentent ainsi de se frayer un chemin à l’épreuve de cette rencontre, au petit bonheur la chance, laissent rarement indifférent.
Il en est ainsi de « Mektoub Cyrano », la première œuvre de Haziz Hellal, admirablement interprétée par de jeunes acteurs au talent prometteur autour d’un comédien, Gérard Graillot, dont la carrière est richement jalonnée.
« Mektoub », c’est le destin, ce cours des choses que l’on n’a pas choisi. Comme, par exemple, le fait de se prénommer Karim plutôt que Christian dans la France d’aujourd’hui. Un prénom que la société vous renvoie comme une marque de laideur, mais qui n’enlève pas pour autant l’envie et la force de se battre, de se faire aimer et accepter. Tout comme le héros de la célèbre pièce d’Edmond Rostand.
Avec cette combinaison ingénieuse Aziz Hellal propose une mise en scène de « l’identité ». Il décortique le contenu qui lui est attribuée, dévoile les sous-entendus et les amalgames. Il pointe en fait, et à juste titre, une machine à exclure aux rouages bien huilés. Celle qui laisse toujours un nombre impressionnant de jeunes issues de l’immigration aux portes de l’emploi en particulier.
Le thème n’est certes pas nouveau en France. Mais on ne dira jamais assez le désarroi de cette jeunesse constamment refoulée par une discrimination sournoise, qui nourrit inévitablement sa colère.
Le travail de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) n’est certes pas négligeable. Ce poison-là n’en reste pas moins encore très largement répandu en Françe.
Les enfants des « chibanis » qui vinrent construire la France d’après-guerre, veulent pourtant une chose toute simple : être acceptés comme ils sont, dans un pays riche de sa diversité.
Ils ont le cœur gros et l’âme rebelle. Aziz Hellal, auteur de la pièce, Frédéric Houessinon, metteur en scène, et la troupe KaMaat Production le disent avec brio. Ensemble, ils forcent les portes du Théâtre pour crier un mal-être.