Le départ annoncé de Mahmoud Abbas, premier échec diplomatique d’Obama
Disons-le tout net : les mots de Shimon Perez, président d’Israël, implorant Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, de ne pas renoncer au pourvoir font honneur au chef de l’Etat hébreu. Des mots d’espoir et de bonne volonté qui vous laisse sans voix, plutôt inhabituels chez les officiels israéliens et qui ont dû rudement siffler aux oreilles des faucons.
"Nous avons tous les deux signé les accords d'Oslo, je m'adresse à vous (Mahmoud Abbas) en tant que collègue: n'abandonnez pas", a dit le président Israélien lors du rassemblement pour la paix, samedi soir à Tel-Aviv, à la mémoire du Premier Ministre Yitzhak Rabin assassiné le 4 novembre 1995. Mieux: "Je connais les souffrances que votre peuple a endurées depuis cinquante ans. (...) je connais mon peuple et le gouvernement israélien, et je vous dis qu'Israël veut une vraie paix (...) Il se peut que l'an prochain amène l'indépendance pour le peuple palestinien (...) L'an prochain pourrait être décisif, cela dépend de vous et de nous", a ajouté Shimon Peres.
Reste que l’on croit rêver tant le discours est loin de la réalité ! Sur le terrain en effet, Bejamin Netanyahu, Premier ministre flanqué de son ministre des Affaires étrangères d’extrême-droite, agit complètement à l’opposé de ces signes apparents de bonne volonté.
En effet, les colons s’offrent de nouveaux espaces sur les Territoires avec la bénédiction du pouvoir. Le secrétaire général de l’ONU peut toujours s’offusquer, la communauté internationale s’indigner, les israéliens n’en ont cure, pour qui la formule est toute trouvée de « l’expansion naturelle » qui a convaincu jusqu’à Hillary Clinton, de plus en plus empêtrée dans des contradictions singulières.
Les habitants de Gaza en ruine sont plus que jamais écrasés sous le blocus, dans l’enfer des privations, des pénuries, des rationnements y compris de l’eau potable. Une population otage dont les plus vulnérables, femmes, enfants, vieillards, malades, handicapés, paient le plus lourd tribut sous l’œil indifférent des grandes puissances, et notamment de l’Europe, prompte en s’en laver les mains avec quelques vagues déclarations périodiquement servies.
Le « mur de la honte », long de 700 km, symbole monumental de l’oppression, poursuit son érection en Cisjordanie coupant en deux les villages palestiniens, interdisant l’accès à leurs champs d'oliviers aux agriculteurs. Un mur injure aux libertés les plus élémentaires de circulation, et qui n’a pas d’autre finalité que de tracer d’ores et déjà les frontières d’un futur Etat palestinien dessiné en pointillé aux côtés de la superpuissance israélienne.
Que valent donc les mots de Shimon Perez devant cette triste réalité ? Pourquoi le président israélien, sans doute sincère, est-il à ce point impuissant à faire entendre la voix de la paix dans son pays ? Que pèsent encore le mouvement d’opinion pacifiste Israélien et en faveur de la coexistence de deux Etats ? Les réponses à ces questions sont sûrement à puiser dans les tergiversations des Américains, dans les espoirs trop vite anéantis qu’avait soulevé Barack Obama, lors de son fameux discours du Caire du 4 juin 2009.
« Le moment est venu pour que ces colonies cessent. Israël doit aussi honorer ses obligations et assurer que les Palestiniens puissent vivre, travailler et développer leur société. Tout comme elle ravage les familles palestiniennes, la continuation de la crise humanitaire à Gaza ne sert pas à promouvoir la sécurité d’Israël, l’absence persistante de chances de réussite en Cisjordanie non plus. Des améliorations dans la vie de tous les jours du peuple palestinien doivent constituer une partie cruciale de la feuille de route pour la paix » clamait le président américain. Confrontés à la réalité, ces propos, tout comme ceux de Shimon Perez, paraissent aujourd’hui complètement décalés.
Certes, l’attitude de Mahmoud Abbas résolu à quitter la scène du pouvoir est une décision risquée, qui expose l’Autorité palestinienne à toutes les incertitudes. Elle n’en présente pas moins le mérite de crever l’abcès de la complaisance irresponsable des Etats-Unis à l’égard du gouvernement de Nétanyahu. Une chose est sûre, quels que soient les prochains développements: le départ annoncé de Mahmoud Abbas marque le premier échec diplomatique d’Obama.