Le fichier Edvige : une machine diabolique
Les Renseignements généraux français sont décidément devenus bien gourmands d’informations sur les personnes physiques et morales qui font « bouger » la société. Le nouveau fichier, dénommé Edvige, est, à l’évidence, conçu à la mesure de cet appétit.
De prime abord, il ne diffère pas de l’ancien qui était sans doute déjà bien fourni. Sauf qu’Edvige s’offre, lui, quelques petits compléments dont le prix à payer sur le plan des libertés risque vite de s’alourdir pour les concernés.
En effet, Edvige ratisse large. Il centralise les informations relatives aux personnes publiques "ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique, ou jouant un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif".
Edvige creuse profond. Et, si tel est votre cas, il saura tout sur vous, absolument tout: le fisc, le patrimoine, les déplacements, les relations, le comportement, les signes physiques particuliers, l’origine raciale, l’appartenance et les opinions politiques, syndicales, philosophiques et religieuses et même les données relatives à la santé et à la sexualité.
Edvige enfin, est armé d’une formule passe-partout qui lui donne un bras long. Il cible « les individus, groupes, organisations et personnes morales susceptibles de porter atteinte à l'ordre public en raison de leur activité individuelle ou collective », et notamment les mineurs âgés d’au moins 13 ans (responsabilité pénale) considérés comme tel.
Ce n’est un secret pour personne, ces fichiers ont de tout temps existé. On peut même comprendre le besoin d’une amélioration technique dans leur constitution et leur mise à jour. Mais pourquoi donc une banque d’information sur les personnes gonflée à ce point et mise à disposition de l’appareil d’Etat ? A quoi peut-elle vraiment servir ?
Agacé devant le tollé soulevé par Edvige dans la société civile et jusque dans son gouvernement, le Premier ministre s’est pourtant contenté d’aligner des évidences : l’existence d’outils identiques par le passé, la mise en place de garde-fous…
En fait, peut-être François Fillon est-il lui-même dépassé, au point de manquer d’arguments. Car il lui faut bien se rendre à l’évidence : Edvige est une exploitation complètement délirante des possibilités de collecte et de traitement des renseignements.
Plus qu’un outil classique de travail au service des limiers du renseignement, c’est une machine diabolique qui scrute abusivement les faits et gestes des acteurs sociaux. Une porte ouverte à toute les dérives liberticides.