Le rêve brisé des chibanis, vieux et pauvres émigrés algériens
Une disposition de la loi de finance complémentaire contraint désormais les Algériens résidants à l’étranger à restituer définitivement leur carte de séjour aux autorités du pays d’accueil, s’ils veulent effectuer un déménagement exonéré de taxes. Ils étaient jusque-là tenus de restituer la seule carte consulaire d’immatriculation, renouvelable tous les cinq ans.
C’est un coup dur pour la grande majorité d’entre eux, notamment les chibanis, qui pouvaient ainsi ramener une ou deux fois dans leur vie un véhicule et quelques meubles, sans pour autant se priver de retourner dans le pays d’accueil.
Nombre de ces personnes âgées sont d'ailleurs contraintes d’y revenir et d’y séjourner pour des raisons de santé, souvent dans des conditions de grande précarité, devenues les proies favorites de marchands de sommeil auxquels elles laissent une bonne part de leurs maigres ressources financières.
Quand elles ne sont pas par ailleurs victimes du zèle d’agents du fisc français, prompts à les traiter comme de grands fraudeurs et à les priver de leurs droits sociaux au motif de quelques mois passés au pays.
Les chibanis ne pouvaient évidemment pas compter sur les députés pour faire opposition à cette disposition passée comme une lettre à la poste, sous forme d’ordonnance et sans débat.
Un seul parti, le RCD, déclare avoir voté contre. Les parlementaires des autres formations, qui pourtant s’accaparent et se répartissent sans difficulté aucune les bulletins de l’immigration pour faire élire leurs candidats, se sont docilement couchés. On peut aussi supposer qu'ils ont été plus attentifs aux pressions des concessionnaires automobiles.
Les « trabendistes », trafiquants et malfrats disposant de titre de séjour n’ont eux pas de souci à se faire pour passer outre cette disposition, tant ils savent tranquillement naviguer dans les eaux de la corruption. Ils sont d’ailleurs gâtés, le pays bât des records en la matière et le pouvoir se contente de tenir des discours de bonnes intentions, sans jamais prendre les mesures qui s’imposent.
Peut-être les habitants des foyers de la Sonacotra et autres chibanis dans la mouise se souviendront-ils du mauvais tour que leur ont ainsi joué les parlementaires auxquels ils ont facilement accordé leurs voix.
En gardant le silence, les députés représentants de l'immigration ont brisé le rêve de nombreux chibanis, pauvres et au bout du rouleau.