Suicides successifs à France Télécom : cette gestion aveugle qui ignore le mal-être des salariés
C’est à peine croyable et cela donne froid dans le dos : dans les couloirs d’une entreprise française prestigieuse plane l’odeur de la mort par suicide. Vingt-deux salariés sont passés à l’acte depuis février 2008 pour des raisons étroitement liées à leurs conditions de travail, dénoncent les collectifs de France Télécom. Le dernier en date, mercredi 9 septembre, a tenté de se planter un couteau dans l’abdomen, au cours d’une réunion où lui a été confirmé la suppression de son poste. Le DRH du groupe indique par ailleurs que 28 salariés s’étaient suicidés en 2000, et 29 en 2002. La direction, qui admet enfin la réalité de ce fléau, annonce qu’elle va "renforcer la prévention contre les suicides", en formant ses 20.000 cadres à "détecter les signaux de faiblesse psychologique". La moindre des initiatives pour éviter d’autres drames. Mais encore faut-il prendre en compte ces «signaux» dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de gestion.
Car le fait est que derrière ces mêmes politiques se cachent souvent des pratiques de harcèlement, de dévalorisation, de traque, de mépris et d’abus de pouvoir. Les structures et les échelles hiérarchiques des entreprises ont de tout temps été peuplées de chefaillons chargés de ces basses œuvres. Et quand intervient la sacro-sainte recherche de la rentabilité, les individus se transforment tout simplement en variables d’ajustement, au diable leurs aspirations, leurs désirs d’épanouissement. L’Homme est alors plus que jamais un loup pour l’Homme.
En général, lorsque des drames surviennent, les responsables se contentent de compatir en invoquant la «fragilité» des individus. Une façon de se laver les mains en contournant le vrai problème d’un vécu professionnel infernal. Il faut pourtant se rendre à l’évidence, le stress, la détresse et la souffrance au travail sont de plus en plus fréquents dans l’entreprise. Des situations qui se multiplient à la faveur d’une mise en concurrence accrue des salariés, de la règle implacable du "chacun pour soi", de la précarité, de la peur du chômage et de la descente aux enfers…
Il revient aux syndicats de revendiquer plus de place à la psychologie du travail dans l’entreprise. D’autant que les relations d’entraide et de solidarité autrefois présentes dans le monde du travail ont reculé à la faveur d’un vaste mouvement de régression.
Devant les cas des entreprises françaises Renault et France Télécom, Il est un constat incontournable : de nos jours, le passage à l’acte peut très souvent faire irruption dans les itinéraires de carrière. Les techniques dites modernes de gestion de la «ressource humaine» sont aveugles. Elles ignorent le mal-être des salariés.