Cameroun : traumatismes et espoirs pour les enfants handicapés
Entre espoirs et traumatismes, des dizaines d'enfants handicapés cherchent à se réadapter par la rééducation au Centre national de réhabilitation des personnes handicapées (CNRPH) du gouvernement camerounais à Yaoundé.
DRAMES PLURIELS
C'est un univers particulier qui révèle des drames pluriels, malgré un cadre verdoyant qui inspire à sa population de handicapés la joie de vivre et de se sentir comme partie intégrante de la société.
Arnaud Dengoué, 16 ans, est condamné à se déplacer sur un fauteuil roulant. Dimanche matin, le voilà seul, le regard perdu , devant les bureaux de l'administration du Centre national de réhabilitation des personnes handicapées, situé dans un quartier populaire de la capitale camerounaise.
"Je suis ici depuis deux ans. C'est maman qui m'y a conduit. Je souffre d'une scoliose. Elle a commencé quand j'avais 8 ans. Avant, je visais à Douala", raconte-t-il, sur un ton mélancolique. "N'ayant pas d'argent pour m'emmener à l'hôpital, maman se contentait de me faire soigner par des tradi-praticiens".
La scoliose, explique le Dr. Ibrahima Farikou, chirurgien orthopédiste traumatologue et directeur adjoint du CNRPH, est une déformation en "s" de la colonne vertébrale. Elle peut être, précise-t-il, congénitale ou acquise suite à une mauvaise station debout ou à un traumatisme.
"Mon père est décédé. Il nous avait abandonnés. Je ne l'ai jamais connu. Tout ce que je savais de lui, c'est qu'il vivait ici à Yaoundé", confie Arnaud.
Vincent, 15 ans, souffre de la même maladie et compte également parmi les pensionnaires de l'institution gouvernementale.
Le cas de la petite Jeanne Ekoto, qui décline son identité sous forme de récitation, est encore plus pathétique. De ses deux parents, elle n'a que des souvenirs qui remontent à 2006, année de son arrivée au CNRPH.
"Papa et maman me manquent beaucoup. Ma mère était à terme quand elle est venue me laisser ici. Elle n'est plus jamais revenue. Papa est menuisier. Il n'est jamais venu me rendre visite. C'est l'Etat qui donne les moyens à Mama Béa (Béatrice Ngo Ndjom, chargée de l'encadrement des jeunes pensionnaires du CNRPH(ndlr) pour m'encadrer", confie-t-elle.
Agée de 10 ans, la petite fille, qui se déplace également sur fauteuil roulant, raconte qu'elle a perdu l'usage de ses deux jambes à 3 ans, suite à une méningite.
ENFANTS HANDICAPES ABANDONNES
Les enfants handicapés abandonnés sont accueillis au sein de l'institution fondée en 1971 et érigée en mars dernier par un décret présidentiel en établissement public administratif et autonome, sous tutelle des ministères des Affaires sociales et des Finances.
"Certains de ces enfants ont parfois été abandonnés par les parents pendant les consultations. Ils sont huit totalement pris en charge par le gouvernement, à travers le ministère des Affaires sociales", note Roger Ndjock, chef du service des interventions sociales.
"Il y en a parmi eux qui ont développé des traumatismes qui font qu'ils ne perçoivent plus".
C'est le cas des petits Ange Gabriel et Samira, dont l'identité demeure inconnue et dont les noms ont été donnés par les responsables du centre. Ils ne parlent pas et n'arrivent pas à se mettre debout. "On les nourrit. Ils ne peuvent pas tenir seuls la cuillère", observe M. Ndjock.
Pour ses pensionnaires, le CNRPH dispose de huit ateliers de formation destinés à la préparation de leur insertion socio-professionnelle. Ils sont formés à la fabrication des prothèses et orthèses, à la coordonnerie orthopédique, à la fabrication des tricycles, à la menuiserie sur bois et métallique.
D'autres ateliers sont organisés autour de la sérigraphie et l'infographie, la réparation de matériels électroniques et l'informatique.
Avec une école publique, l'institution est un milieu ouvert qui permet aux enfants handicapés d'être en contact avec le monde extérieur. Cette école accueille également des enfants valides.
Selon son directeur, Jean Marie Ebonoko Ndjoumou, elle affiche au cours de la présente année scolaire un effectif total de 165 élèves, parmi lesquels 56 handicapés âgés de 4 à 18 ans et provenant pour certains de différents quartiers de Yaoundé.
Un cours d'alphabétisation est par ailleurs dispensé pour les enfants qui arrivent non scolarisés.
FAMILLE DE REFUGIES TCHADIENS
A vocation régionale, précise M. Ndjock, ce centre accueille également des personnes handicapées originaires du Gabon, de Guinée équatoriale, du Tchad, de la République centrafricaine (RCA), voire du Sénégal.
Ainsi par exemple une famille de réfugiés tchadiens qui à elle seule compte quatre enfants handicapés.
De l'avis d'Ibrahima Farikou, entre 500.000 et 800.000 enfants seraient handicapés au Cameroun pour une population totale estimée à plus de 18 millions.
Par le passé, le nombre des pensionnaires du CNRPH était plus élevé, informe le responsable qui fait état d'une baisse des effectifs au fil des années, grâce aux efforts accomplis dans la couverture sanitaire de certaines maladies comme la poliomyélite.