L’UPM est nécessaire, mais l’Europe est-elle en capacité d’assumer son processus ?
Etat sans peuple, économie sans industrie, industrie sans usines, l’Europe est une puissance abstraite. Chacune des intuitions naturelles immédiates en tant que citoyen est automatiquement niée par une instance supérieure qui lui signifie exactement le contraire de ce qu’il exprime et de son aspiration instantanée au vivre-ensemble.
Or, la véritable effectivité d’une autorité politique s’éprouve en un individu, en l’élevant en tant qu’individu au niveau de tous les autres individus, en tant qu’Etat constitué. L’on aura constaté la mauvaise foi et le double langage utilisé par l’oligarchie européenne lors du déni de reconnaissance des consultations populaires de 2005 en France et au Pays-Bas et en Irlande en 2008, quant à l’adoption du Traité Constitutionnel Européen et à son vulgaire épigone du Traité de Lisbonne. C’est que l’individu européen ne se réfléchit pas et ne s’intuitionne pas dans l’instance qui le dirige.
Aussi, l’Europe actuelle est dans sa phase de capitalisme qui tourne sur lui-même, qui, rentabilité oblige, a rompu tous les intermédiaires, et n’a plus besoin de s’éprouver dans le commerce et les échanges, dans le corps social pour vivre et pour faire travailler sa valeur. L’Europe a donc atteint le moment où le capitalisme se suffit à lui-même dans une entité abstraite non mouvante, car bouger serait se perdre dans des intermédiaires et faire disperser son ensemble dans des particularités.
Pour perdurer dans son existence, le capitalisme d’une Europe vieillissante, désindustrialisée et déclinante a besoin de se travailler dans un espace méditerranéen jeune, à la force de travail conséquente, dont la croissance démographique nécessite d’immenses besoins d’infrastructures. En acceptant le processus pour la Méditerranée, les pays du sud ont donc accepté de payer notre retraite tout en nous étant redevables de leur développement.
Il s’agit de prendre une part de marché dans le tissu économique fortement étatisé et de parvenir à contrôler ainsi les gouvernements en installant un rapport de force intérieur et ainsi de prévenir l’instabilité politique de ces pays, où toute dictature n’est jamais exempte de virer sous la menace, à l’injonction islamiste. Il s’agit aussi de contrôler les flux migratoires et de donner un cadre politique et social structurant aux populations méditerranéennes en France et en Europe, fortement démunies et dépolitisées.
De nombreux chapîtres seront mis en œuvre qui toucheront les transports, les infrastructures, l’eau, l’énergie dans ce qui apparaît comme le nouveau grenier et le nouveau levier de développement capitalistique de l’Europe, après l’Europe de l’Est.
Si les besoins globaux des pays de la rive-sud sont estimés à 115 milliards d’euros, les besoins en équipement collectifs des 10 grandes villes 100 milliards et les projets urgents en matière de transport 20 milliards, les modes de financement et les financements eux-mêmes ne sont pas trouvés.
Or ce n’est plus l’Etat qui contrôle l’économie, ce n’est même plus l’Europe. Les Etats européens et l’Europe contrôlent de moins en moins de secteurs stratégiques. Et les anciens grands trusts français tenus d’une main de fer par l’Etat n’ont la France que pour seule origine géographique et parfois (de moins en moins) décisionnelle. Le CAC 40 n'est que marginalement français.
Si le capitalisme européen tourne sur lui-même en tant qu’entité, les capitaux qui le constituent sont eux-mêmes sans frontières et spontanément très mouvants, pouvant changer de mains en quelques minutes. Et ce n’est plus du ressort de Messieurs Sarkozy ou Barroso. Peut-on faire d’une 2CV une formule 1 ?
La Caisse de Dépôts et Consignations française et son homologue italienne tenteront bien de créer un fonds Inframed, doté de 600 millions d’euros, la BEI (Banque Européenne d’Investissement) 10,7 milliards d’euros, l’AFD (Agence Française de Développement) 500 millions d’euros. Mais que pèsent ces fonds de quelques centaines de millions d’euros ou de quelques dizaines de milliards par rapports aux monstres des fonds souverains d’origine chinoise, moyen-orientale et américaine pesant des milliers de milliards de dollars, dans leurs ensemble ?
Nous commencerons le développement infrastructurel, nous investirons la société de consommation de la rive-sud pour y instaurer notre cadre économique et politique, mais nous serons submergés et nous-mêmes avalés par des puissances qui y ont tout à donner et tout à y gagner, et les moyens de donner. A nous autres Européens, de devenir les vassaux de ces super-puissances.