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L’obsession du pouvoir et la chronique Tabari

Assia Djebbar n’aurait probablement pas écrit « loin de Médine » si Tabari n’avait été une de ses passionnantes lectures. De « celle qui dit non à Médine » on retient le refus de l’ordre annonciateur de la Grande Discorde, et de la chronique en six volumes le désordre des gouvernements musulmans et arabes depuis la guerre de Siffine. Une histoire Omeyyade se reproduisant sous les Abbassides se raconte, à quelques détails près, comme suit :

(…) faisant découvrir à son héritier la prison au sous-sol de sa citadelle, le roi pointe du doigt les sujets enchaînés des pieds et des mains et dit : « ce sera aussi le sort de mon fils s’il s’amuse à me disputer le trône ». Cette visite des lieux de l’horreur et des malheurs n’était pas plus une occasion de faire peur à l’enfant qu’un prétexte de montrer au successeur comment agir pour se maintenir.

Comme quoi la souffrance de l’opposant est une rémunération des efforts de puissance du maître du moment. Hier comme aujourd’hui, qu’il s’agisse des rois, émirs ou présidents.  Bachar El Assad n’avait pas besoin de faire preuve d’autant de « noblesse » que ses homologues jordanien et saoudien pour hériter la Syrie de son père.

Moubarak et Ben Ali, eux, ne quitteront le pouvoir que dirigés vers leurs dernières demeures. Le cas de Saddam est le pire de tous. Les faucons de la Maison Blanche applaudissaient, diable, en direct le spectacle du « pendu en train de se moquer de la corde ». Ceux qui pensaient que le châtiment du maître de Bagdad aurait pour dividende la démocratie en Irak ont vite déchanté. Au pays de l’Euphrate règne désormais le bruit des armes et l’insécurité. Une situation née de l’obsession de s’accrocher au pouvoir contre vents et marée.

Serait-ce la raison pour laquelle Muscharaf vient de démissionner ? Rien n’est moins sûr quand on sait que cet ex chef des armées s’est emparé du pouvoir à la suite d’un coup d’Etat contre l’ancien premier ministre Nawaz Sharif. Neuf ans après, une menace de destitution du président porte en elle celle de rendre public des scandales liés à des cas de corruption et d’exécutions physiques qui ébranleraient jusqu’aux intouchables de ceux qui l’ont fait roi.

L’avis des experts en droit et des généraux a donc été sans appel : la démission du président plutôt que le délitement de la plus stable des institutions. Au pays d’El Mawdoudi les attentats kamikaze et à la voiture piégée ont souvent fait des carnages. Le dernier d’entre eux a coûté la vie à Madame Benazir Buttho avant de coûter sa popularité à Pervez Musharaf.

Il n’avait désormais ni la confiance du peuple ni le soutien de l’armée. Mais, pour se maintenir au pouvoir, force est de dire qu’il aurait eu moins besoin de la confiance du premier que du soutien de la seconde. C’est un parcours qui a sans doute un double dans la chronique de Tabari. Un cas significatif de ce qui se passe aussi dans le pays d’à côté.

Au « royaume » des Mollahs le président peut faire son mandat ou démissionner. Mais « le guide de la révolution » peut à n’importe quel moment le renvoyer. Le cas de Bani Sadr sous Khomeyni rappelle celui de Hamrouche sous Chadli ou de Abdeslam Belaid sous Kafi. Le président iranien est tout juste un chef de gouvernement algérien avec, en plus, la prérogative de gérer sous contrôle de l’Ayatollah Khamaney les questions internationale et de sécurité.

C’est un drôle de cas où le chef de l’Etat n’est pas pilote mais à peine assis à la place du mort. Cette situation où l’élue du peuple n’a pas plus de pouvoir que le plus érudit du groupe des Ayatollahs ressemble à celle d’un Musharaf fort en tant qu’élu de l’armée et non plus de son peuple.

La chronique de Tabari pullule d’histoires qui racontent des pouvoirs similaires. La Mauritanie voisine a failli devenir un exemple d’alternance au pouvoir, donc de démocratie si, un an après une présidentielle réellement propre et honnête, le dernier coup d’Etat militaire n’avait rendu vain tout pouvoir né de la légitimité populaire.

A croire que la liberté et les droits de l’homme ne se plaisent pas à se retrouver dans nos contrées du Maghreb et du Mechrak si, depuis l’adoption de Constitution du 23 février 89, des élections pluralistes n’avaient montré un autre paysage politique en Algérie.

Des présidents y sont élus au suffrage universel pendant que d’autres ont même osé démissionner. Mais le cas de Zeroual n’est-il pas déjà l’exception qui confirme un règle en vigueur depuis les Omeyyades ?

En tout cas dans Tabari il y a des histoires de démission qui expliquent aussi bien le fait que ses raisons. C’est déjà le thème et l’objet d’une autre chronique. Cette fois de Da M’hand, pas de Tabari

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