Oedipiades se veut un spectacle où le ludique vient s’incruster dans le tragique

Focus sur Oedipiades, une des cinq pièces gagnantes du concours de dramaturges africains

Le texte de théâtre de Driss Ksikes, dramaturge marocain, Oedipiades, a été récompensé en cet automne 2011 dans le cadre du concours de dramaturges africains, organisé par Arterial Network et National Theatre Studio à Londres.

Des 300 textes d'auteurs reçus par le jury pour promouvoir le théâtre africain, vingt ont été pré-sélectionnés en juin dernier et cinq ont été retenus comme gagnants dont la dernière pièce de théâtre de Driss Ksikes.

Un homme engagé dans les écritures du réel

On ne compte plus les aventures culturelles dans lesquelles Driss Ksikes est engagé dans son pays : co-fondateur avec Driss Khrouz et Michel Péraldi, des rencontres «sous le signe d’Ibn Rochd», directeur du Centre de recherche de l’Institut des Hautes Études de Management (HEM) et de sa revue Economia, directeur littéraire de la compagnie Dabateatr à Rabat, Chef de file de la biennale des jeunes créateurs d’Europe et de Méditerranée Casablanca et on note sa production prolixe (un roman, des nouvelles et de nombreuses pièces de théâtre publiés).

Driss Ksikes est indéniablement un des auteurs majeurs de l’écriture francophone d’Afrique et du Maghreb. Son univers est ancré dans le réel, dans des questionnements qui traversent les sociétés mais sans être pris dans l’explicatif tout en donnant l’impression que chacun de ces textes sont une partie du puzzle nourri de ses rencontres avec la vraie vie, s’éclairant et se nourrissant de son engagement dans la cité.

La relation père/fils au centre de la pièce de Driss Ksikes

Commande d’écriture passée à l’auteur marocain par Karim Troussi de la Compagnie du Jour (Grenoble, France) Oedipiades est une pièce dont le thème a été apporté par Driss Ksikes : la relation du père et du fils, dramatisée par la toute puissance fébrile du premier, l’identité trouble du second et l’absence de la mère.

Après avoir passé sept ans en prison, Moussa revient vivre chez son fils, Ali, qui s’inquiète de voir revenir ce père méconnu. Suite à l’arrivée de Moussa, commence la confrontation du père et du fils, autour d’un match de foot palpitant. La concentration du moment (retrouvailles après la prison, besoin de mettre les pendules à l’heure) crée une tension inhabituelle, à la limite du grotesque. Elle pose la question de la filiation, du désir, de la puissance, du besoin de reconnaissance et du devoir de conformité. Elle interroge la place du père et du fils dans un triangle biaisé dès le départ, par l’absence de la mère et la présence étouffante du père.

Loin d’être une pièce à thèse, Oedipiades se veut un spectacle où le ludique vient s’incruster dans le tragique, où le rythme des révélations et de l’effeuillage de l’inconnu est ponctué par une myriade d’émotions, de silences et de complicités qui transcendent les différends. Moussa et Ali sont les deux survivants d’une famille décimée, écartelée.

Au bout du compte, tous ces tiraillements et déchirements sont un rempart sous lequel les deux personnages s’abritent pour ne pas se désintégrer.

Mise en scène par Karim Troussi, cette pièce a été donnée en représentation au Maroc en février 2011, donné en France en lectures-spectacles en mars dernier. Une tournée en 2012 au Maroc et en France serait la bienvenue.

Saluons en tout cas, cette bonne nouvelle que les écritures contemporaines en Afrique sont des laboratoires en prise avec leurs cités et qui disent l’universalité des questionnements humains.