Pendant le discours de Mohamed Morsi, des dizaines de milliers d’opposants, réunis au Caire, réclamaient son départ. (Xinhua)

Egypte : Morsi s’accroche à sa légitimité

Dans un discours prononcé mardi soir, Mohamed Morsi, le président égyptien a affirmé qu’il gardait le pouvoir que lui confère la légitimité des urnes. Dans tout le pays, la mobilisation de l’opposition reste considérable.  

C’est un discours attendu qu’a prononcé mardi soir Mohamed Morsi. Les opposants les plus optimistes pouvaient espérer que le président égyptien annoncerait sa démission, ouvrant ainsi la voie à leur revendication d’élections anticipées. 

Ce ne fut pas le cas, bien au contraire. Pendant environ une demi-heure, le chef de l’Etat a parlé. Tout au long de son discours, il n’a cessé de rappeler qu’il avait été élu, selon la volonté du peuple égyptien, lors d’élections libres et démocratiques.

Au cours de son allocution, il a répété des dizaines de fois, peut-être même des centaines, le mot “légitimité”. Il tenait ainsi à marquer son territoire, et à passer le message à l’armée qu’il ne céderait pas à l’ultimatum qu’elle lui a lancé. 

Au lendemain du rassemblement géant du 30 juin, les militaires ont en effet averti de manière assez vive les responsables politiques qu’ils devaient "satisfaire les demandes du peuple".

Le chef d’état-major de l’armée égyptienne, pourtant nommé par Morsi, avait indiqué que si les forces politiques ne parvenaient pas à un compromis, l’armée présenterait sa “feuille de route” pour une sortie de crise. 

Les adversaires de Morsi s’était réjouis de cette prise de position, même si la perspective d’un coup de force militaire reste à craindre. Ce que les partisans du pouvoir en place n’ont pas manqué de mettre en avant, tandis que l’armée démentait avoir ces intentions. 

Déjà, dans la journée de mardi, la présidence avait fait savoir qu’elle rejetait l’ultimatum de l’armée, pour une question de forme.La déclaration des forces armées n'a pas été soumise au président” avant sa diffusion et contient “des signes pouvant causer la confusion”, indiquaient ainsi les services du chef de l’Etat. 

 

Une “légitimité” de moins en moins légitime

Dans son discours du soir, Morsi a rappelé l’armée à ses devoirs, et a indiqué clairement qu’il n’entendait pas quitter son poste. Avec des mots parfois très chargés, il a souligné qu’il n’y avait “pas d’alternative à sa légitimité”, ajoutant qu’il était prêt à "donner sa vie" pour protéger cette “légitimité”.

Cette obstination à marteler sa “légitimité” révèlait visiblement une certaine faiblesse du pouvoir. Pour les opposants, le fait de l’affirmer à ce point est bien la preuve que cette “légitimité” n’a plus rien de légitime. 

Déjà, plusieurs ministres ont quitté le gouvernement, l’armée et la police donnent des signes de défiance, et même les Etats-Unis, soutiens sans faille de Morsi jusqu’à présent, commencent à l’abandonner. 

Après une conversation téléphonique avec le chef de l’Etat égyptien, Barack Obama, le président américain, a publié un communiqué dans lequel il prend la mesure des changements qui sont en cours. 

“Les USA sont déterminés à favoriser le processus démocratique en Egypte. La démocratie ne se résume pas à des élections. C'est également faire en sorte que la voix de tous les Égyptiens soit entendue et relayée par leur gouvernement, y compris celle des nombreux Égyptiens qui manifestent dans le pays.”

Les Frères Musulmans, la formation politique d’où est issu Morsi, ont fait savoir qu’ils étaient prêts à se battre, y compris contre l’armée, pour préserver la légitimité du chef de l’Etat. 

“Nous considérons que Morsi n’est plus président”, a indiqué pour sa part un porte-parole du mouvement Tamarod (Rébellion), qui est à l’initiative du soulèvement actuel. L’opposition appelle désormais à un mouvement de désobéissance civile illimité et à continuer à occuper les rues.

Plus que jamais, l’Egypte semble divisée en deux camps irréconciliables. Seul le Ramadan, qui va débuter dans quelques jours, pourrait peut-être ramener le calme dans le pays.

Au Caire, après le discours du président, des dizaines de milliers de manifestants sont restés sur les places et dans les rues. Des militants pro-Morsi étaient également rassemblés en ville. 

De violents affrontements ont eu lieu, pendant la nuit de mardi à mercredi, notamment près de l’Université du Caire, causant de nombreux blessés et probablement plusieurs morts, peut-être jusqu’à une quinzaine, selon les sources.