le bombardement d’Alep suscite ainsi une émotion légitime. Mais la communauté internationale n’ouvre pas pour autant de pistes en vue d’une véritable paix... (DR)

Syrie : quelle voie pour la paix après la bataille d’Alep ?

Les frappes russo-syriennes se concentrent sur l’est d’Alep, contrôlé par les groupes islamistes armés. La communauté internationale dénonce l’offensive, sans dissuader Moscou, qui se fixe comme priorité l’anéantissement des «rebelles» opposés au régime de Damas.

Crime de guerre» à Alep , s’émeut-on sur la scène internationale… Les frappes russo-syriennes font un carnage dans la partie orientale de la ville, décimant sauvagement des civils. Les bâtiments sont éventrés, les hôpitaux sont particulièrement ciblés, soulevant l’indignation. «Des gens ont des membres arrachés» et des enfants sont «dans d’atroces souffrances sans secours (…) n’ayant nulle part où aller et sans répit en vue. Imaginez un abattoir. Eh bien, c’est pire. Même un abattoir est plus humain», a décrit le 28 septembre Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, devant les représentants des 15 pays membres du Conseil de sécurité.

Les États-Unis menacent, quant à eux, de «suspendre leur engagement bilatéral avec la Russie sur la Syrie» si Moscou ne met pas fin aux bombardements. «Le régime de Damas a choisi la stratégie de la guerre totale, avec l’appui de la Russie», a accusé de son côté Jean-Marc Ayrault, ministre français des Affaires étrangères.

La France travaillerait à la formulation d’une résolution, a-t-il annoncé, le 29septembre, sur Europe 1, sans préciser son contenu. La Turquie s’est enfin déclarée prête à collaborer avec la Russie «pour un cessez-le-feu et une assistance humanitaire». Le bombardement d’Alep suscite ainsi une émotion légitime. Mais la communauté internationale n’ouvre pas pour autant de pistes en vue d’une véritable paix.

Ces auteurs de massacre de masse et de torture…

Cette confusion généralisée sur les décombres de la deuxième ville de Syrie a pour premier effet de dédouaner le front Fatah al-Cham (ex-Front al-Nosra) et la nébuleuse de groupes armés qui gravitent autour d’al-Qaida, auteurs de massacres de masse, de torture et d’exactions permanentes sur les populations. Lourdement armés par les États-Unis, financés par les pays du Golfe – Arabie saoudite en première ligne –, ils prennent en otage quelque 300 000 personnes dans la partie orientale de la ville sous leur contrôle. Ils ont pour tactique d’intensifier les combats. Peu leur importe la destruction des infrastructures et l’extermination d’un nombre croissant d’Alépins, ils ont pour objectif d’empêcher la constitution d’un front russo-américain, qui pourrait leur être fatale.

Ces groupes ont été prompts à rompre l’accord de trêve du 10 septembre, qui était supposé permettre le passage de convois humanitaires. Ils ont mené «plus de 300 attaques sur les lignes syriennes. On savait très bien qu’ils allaient faire capoter le cessez-le-feu», relève Fabrice Balanche, directeur du groupe de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, spécialiste de la Syrie. Selon lui, «pour la Russie et Damas, la trêve était juste une pause permettant de reconstruire les lignes de défense et de passer à l’offensive». C’est à présent chose faite. Les quartiers est d’Alep, actuellement sous un déluge de feu, constituent le dernier bastion des groupes islamistes armés. Leur reconquête est un enjeu décisif.

C’est le scénario russe qui prévaut

Une chose est à présent sûre : à ce stade des combats, c’est le scénario russe qui prévaut. Bachar Al Assad est sur le point d’anéantir les noyaux durs de l’opposition et de recouvrer un territoire hautement stratégique. L’entrée en scène des Russes a payé. Ces derniers ont à l’évidence tiré profit du comportement des États-Unis face à la guerre interne syrienne. «Globalement, la politique extérieure sous Obama a été celle du désengagement du Moyen-Orient pour faire face à la montée en puissance de la Chine», explique Fabrice Balanche. Les Américains n’ont surtout pas prévu le retour de la Russie. «Jusqu’à l’an dernier, Washington était persuadé que les Russes allaient lâcher Assad. En septembre, quand leurs troupes sont entrées en Syrie, ce fut la grande surprise. La situation est désormais, pour eux, bien plus compliquée qu’avant 2015. Ils sont restés sur l’idée de la chute de l’Union soviétique. Poutine en a profité pour investir le terrain syrien», commente le chercheur.

Le vacarme diplomatique et les dénonciations ne semblent pas pour l’instant dissuader la Russie de soutenir l’armée syrienne, à l’assaut des quartiers est. La poursuite des opérations aériennes se justifie par «une guerre contre la terreur», a martelé le 29 septembre Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin.

La Russie est, tout compte fait, en voie d’imposer sa première condition : la lutte contre Daech en Syrie passe par la victoire préalable de Bachar Al Assad sur ses opposants. Les États-Unis tout comme l’Europe semblent s’y résigner. Au moins pour l’instant. La paix en Syrie reste ainsi, dans tous les cas, un chemin étroit et escarpé au sommet de l’horreur.