La manifestation du 8 février 1962 pour "  la paix en Algérie ". (DR, archives)

Il y a cinquante ans, le massacre à Paris des manifestants « pour la paix en Algérie »

Le syndicat CGT commémore les manifestations du 8 février 1962 à Paris, dont la répression sauvage au métro Charonne avait fait neuf morts parmi les syndicalistes, en présence du secrétaire national du Parti communiste Français (PCF), Pierre Laurent, et du maire de Paris, Bertrand Delanoë.

Rassemblant les syndicats CGT, CFTC, FEN, SNI et UNEF, ainsi que le PCF et le PSU, la mobilisation « contre le fascisme et pour la paix en Algérie » faisait suite à une série d’attentats commis à Paris par l'OAS (Organisation de l'armée secrète). La manifestation avait été interdite et le préfet de police, Maurice Papon, avait déployé de nombreuses unités armées de matraques qui allaient faire un carnage dans la foule.

L'historien Alain Dewerpe, auteur de "Charonne 8 février 1962, Anthropolgie d'un massacre d'Etat", évoque « une manifestation de militants et, toutes obédiences confondues, de militants souvent durablement engagés dans la lutte anticolonialiste ». Selon lui, « l’UNEF et le PSU sont majoritaires en tête et au sein du cortège ».

« Nous savions bien que la manifestation était interdite, mais on y allait avec l'idée de se faire taper dessus comme d'habitude, pas avec l'idée de mourir », se souvient la sociologue Maryse Douek-Tripier, alors âgée de 17 ans et lycéenne en classe de première.

Les policiers ont violemment chargé en début de soirée à hauteur du métro Charonne au moment de la dispersion de la manifestation qui avait rassemblé entre 20 et 30.000 personnes réparties sur plusieurs cortèges.

Les hommes de Maurice Papon se sont acharnés sur les manifestants bloqués dans les escaliers du métro. Neuf personnes, dont trois femmes, trouvent la mort, de nombreuses autres sont grièvement blessées. Le 13 février 1962, des centaines de milliers de personnes assistent aux obsèques des victimes.

«Le nom de la station du métro parisien « Charonne » est entré dans le Panthéon des mémoires douloureuses françaises le 8 février 1962, comme un symbole de la résistance à la guerre d’Algérie», écrit l’historien Benjamin Stora dans la préface à un album de bande dessinée «Dans l’ombre de Charonne» éditions Mauconduit, qui évoque ce drame.

Benjamin Stora note une «lente remontée des souvenirs». Selon lui, «le drame de ''Charonne'' s’est perdu, aussi, parce que cette mémoire était essentiellement portée par les communistes. L’affaiblissement progressif du PCF a eu des conséquences sur la faible visibilité de cette séquence tragique dans le paysage mémoriel français».

L’historien relève également que « pendant de nombreuses années, la confusion était grande entre les massacres d’Algériens à Paris le 17 octobre 1961 et «Charonne».

« Puis, par le combat inlassable mené par les enfants de l’immigration algérienne, la date du 17 octobre 61 a enfin acquis une grande visibilité. Il faut maintenant que ces deux dates, 17 octobre 61 et 8 février 62, soient définitivement liées comme signe de fraternité entre l’immigration ouvrière algérienne et les militants en France qui ont refusé la guerre livrée en Algérie », écrit-il dans la même préface à la bande dessinée.