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Maroc : les vacanciers aux revenus moyens stimulent le tourisme interne

Alors que le prix des vacances à l'étranger devient prohibitif, les Marocains sont de plus en plus nombreux à choisir des vacances dans leur pays. Un programme gouvernemental est déjà en cours pour encourager ce tourisme interne et promouvoir le recours au secteur formel.

 

{sidebar id=1}Ces dernières années, le Maroc a fortement développé son secteur du tourisme, mais le prix des voyages met les vacances à l'étranger hors de portée de la bourse de nombre de Marocains. En conséquence, un grand nombre d'entre eux choisissent de passer leurs vacances dans leur pays, en utilisant souvent des formules de séjour privées ou proposées sur le marché noir.


"Je n’ai pas les moyens de séjourner dans un hôtel pendant mes congés", affirme Hanaa Meskini, une fonctionnaire qui habite à Marrakech. Chaque été, elle se rend chez sa tante à Témara pour passer un moment agréable sur la plage. "Heureusement que j’ai ma famille qui m’accueille. Espérons que cela changera à l’avenir", ajoute-t-elle.

Comme Hanaa, beaucoup de personnes souhaitent que les prix des voyages baissent, pour pouvoir profiter de leurs vacances sans devoir déranger leurs familles ou leurs amis.

Les responsables du secteur assurent que l’offre interne connaîtra un véritable essor à l’avenir. Il représente en effet 22 pour cent du nombre total de nuitées passées à l'hôtel. Longtemps ignorée par les responsables, la promotion des vacances au Maroc suscite l'intérêt croissant du gouvernement et des professionnels du tourisme depuis cinq ans.

Selon le Ministre du Tourisme et de l'Artisanat Mohamed Boussaid, le marché intérieur a enregistré des millions de voyages.

"Il faut prendre en ligne de compte que la contrainte majeure au développement du tourisme interne est relative à l'absence de la démocratisation de ce secteur. Ce qui nous oblige à prendre en considération le pouvoir d'achat de nos compatriotes. L'obstacle est donc le coût des nuitées", affirme-t-il.

Le gouvernement est conscient que le tourisme interne est un des leviers importants du développement du secteur touristique marocain, a déclaré M. Boussaid à Magharebia.

"Ce n'est pas seulement apprécié d'un point de vue économique, mais également par le fait que les Marocains sont censés, eux aussi, s'approprier les services de ce secteur... et bénéficier de toutes les potentialités touristiques qu'offre leur pays", explique-t-il.

De nombreux Marocains se plaignent toutefois que les offres destinées aux touristes internationaux sont plus intéressantes que les prix proposés aux nationaux.

"Je ne comprends pas pourquoi un touriste peut faire une réservation à partir de son pays à un prix moins cher qu’ici, alors que le pouvoir d’achat des Marocains est limité", déplore Samir Aboulayla, un enseignant. "On sent qu’on n’a pas droit au plaisir."

Chaque été, Samir voyage avec sa femme et leurs trois enfants à Essaouira, où ils louent une maison pour une semaine ou deux dans le cadre du tourisme informel. "Des particuliers louent leurs maisons à des prix raisonnables pendant la période des vacances. De 100 à 300 dirhams la journée, l’offre est attractive alors que les tarifs des hôtels classés sont inaccessibles", explique-t-il.

L'argument de Samir -- selon lequel les offres de voyage sont favorables aux touristes étrangers -- est connue des responsables du gouvernement. Le Ministre du Tourisme Broussaid s'empresse d'expliquer le problème à Magharebia.

"Les touristes étrangers viennent très souvent par le biais des tour-opérateurs intégrés, qui réservent les chambres en gros et sur toute l'année. Ce qui leur permet de bénéficier des prix très intéressants, contrairement aux touristes nationaux. Mais nous sommes en train de rectifier cette situation."

La stratégie de promotion du tourisme national vise à faire basculer une partie de la demande qui utilise des structures non payantes comme les familles et amis vers des structures formelles dans le cadre des locations comme les campings, les résidences touristiques ou les hôtels.

Selon la fédération du tourisme, "l’offre arrive. On va donner au tourisme interne dans la vision 2010 la place qu’il mérite."

Le Plan Biladi s'inscrit dans cet effort. Composante de la stratégie marocaine Vision 2010 pour le développement du tourisme, ce plan vise à augmenter le tourisme interne en créant des espaces suffisants pour accueillir les familles marocaines.

Le programme prévoit de doubler le nombre de voyages liés aux vacances vers le secteur formel, pour atteindre 2 millions en 2010 contre 1,1 million en 2003.

Le Plan Biladi projete également d'encourager les nuitées dans les établissements touristiques formels, plutôt que dans les établissements du "marché noir", pour atteindre 6 millions à l'horizon 2010.

Afin de renforcer l'offre de lits d'hôtels et réduire l'hébergement informel, le Plan Biladi créera 11 000 nouveaux lits dans des hôtels conventionnels et 19 000 en campings dans les régions privilégiées par les clients nationaux.

Les responsables assurent que les prix seront adaptés au pouvoir d’achat des Marocains. Les prix devraient aller de 200 à 500 dirhams par nuit et par famille en hôtel, et de 100 à 150 dirhams par emplacement et par nuit en camping.

Les agences de voyage marocaines auront également la possibilité de faire des réservations en masse, ce qui aura une incidence favorable sur les prix.

Le sociologue Jamal Bouaarrouf met toutefois en garde sur le fait que si le gouvernement suit les promesses du Plan Biladi, la société marocaine subira une transformation notoire.

"Jusqu’à présent, le Maroc n’est pas encore arrivé à mettre au point une gamme de services hôteliers, de restauration et touristiques répondant convenablement aux attentes des gens en termes de coût et d'adaptabilité aux habitudes. Si la stratégie Biladi est appliquée, les habitudes des Marocains, notamment des classes moyennes et démunies, vont être modifiées. Les visites familiales seront moins nombreuses qu’elles le sont à l’heure actuelle", explique-t-il.

Le succès de ce plan affectera également les propriétaires des hôtels et des résidences informels.

Fatima El Hajja vit à Essaouira. Son mari est pêcheur, et son revenu est insuffisant pour répondre aux besoins de sa famille composée de sept personnes. Fatima loue donc des chambres de sa maison pendant tout l’été à 80 dirhams la journée.

"Je m’entasse avec mes enfants dans une seule pièce. Depuis des années, nous faisons ainsi pour améliorer notre revenu afin de répondre aux besoins de la vie quotidienne. Nous n’avons pas d'autre issue", affirme-t-elle.

"Mais si les prix des hôtels baissent", ajoute Fatima, "je crois que nous aurons des difficultés à trouver de la clientèle".