le volume du change au noir est estimé entre 3,5 et 4,5 milliards d’euros par an... (DR)

Algérie: descentes de police sur les places fortes du marché noir de devises

Les médias algériens rapportent que des opérations de police ont eu lieu des ces derniers jours sur les places fortes du change au noir de devises, au square Port-Said, au cœur d’Alger, et dans le quartier d’Hussein-dey. Panique chez les cambistes et spéculations autour des explications de cet emballement policier. L’économie de bazar est-elle vraiment menacée ?

Le journal El Watan, dans son édition du mardi 14 avril, attribue ces descentes de police à la découverte de liasses de faux euros, citant des « sources bien informées ». Celles-ci auraient même confirmé la récupération de quelques "30.000 euros en petites coupures". L’enquête se poursuivrait sur la piste d’un véritable réseau de trafiquants avec le déploiement d’importants moyens. Du coup, les cambistes se sont relativement mis en veilleuse, n’apparaissant plus au grand jour.

Le média en ligne, TSA.com, a eu pour sa part la bonne idée de donner la parole à un connaisseur du marché noir de la devise. Ce dernier révèle sans surprise que les circuits sont parfaitement organisés et que le système est bien huilé pour un fonctionnement au top, entre petites mains pour la collecte de l’argent, « grossistes » et passeurs. Selon cette source, le volume du change est estimé entre 3,5 et 4,5 milliards d’euros par an. L’argent proviendrait pour l’essentiel des pensions de retraite perçues en euros, et dans une moindre proportion des immigrés en vacances et des touristes étrangers. Ces milliards seraient acheminés vers Istambul et Dubaï, via la Tunisie, pour alimenter les comptes des barons de l’importation et d’investisseurs dans l’immobilier à l’étranger.

Trop d’intérêts en jeu, trop d’oligarques impliqués, et de mafieux...

Le marché noir de la devise est ainsi devenu le poumon irremplaçable de l’économie de bazar qui s’est enracinée en Algérie, notamment à la faveur des quatre mandats successifs d’Abdelaziz Bouteflika. Les cambistes aux barbes fournies ont toujours eu pignon sur rue, confirmant leur appartenance à d’obscurs réseaux d’islamistes et de trafiquants mêlés. Des fortunes colossales ont été constituées à l’ombre de cette couverture informelle, avec la complicité évidente des centres de pouvoir, la corruption étant devenue une règle incontournable à tous les échelons. Dès lors, il n’est sans doute pas d’illusions à se faire au sujet de ce brusque intérêt des autorités pour le marché noir de la devise. Assainir, faire la chasse à ces prédateurs ? Que nenni ! Trop d’intérêts en jeu, trop d’oligarques impliqués, et de mafieux auréolés d’un statut d’élu, de hauts fonctionnaires, de membres de clans qui grenouillent dans les coulisses du pouvoir...