Le Pascal Paoli a été bloqué aujourd'hui en Corse. Comme une nouvelle entreprise de déstabilisation... (© Nicolas Ethève)

La SNCM va-t-elle être décapitée sur le billot ultralibéral ?

Tous les pions ont été poussés sur l'échiquier ultralibéral pour mettre la SNCM en échec et mat. C'est ce que montre Paroles de Corse, alors que Marc Dufour, le président du directoire de l'entreprise qui refuse le dépôt de bilan souhaité en hauts lieux, doit présenter ce mercredi son plan de développement viable pour la compagnie maritime.

Semaine à haut risque pour la SNCM ! Marc Dufour, le président du directoire de la compagnie maritime, est reçu ce mercredi à Paris devant l'actionnaire principal de la SNCM (1), à savoir Transdev, la filiale de Véolia qui souhaite depuis longtemps se débarrasser de ce « bijou de famille » récupéré des mains de l’État en 2006. La mission de Marc Dufour ? Présenter le très sérieux plan de développement de la SNCM qu'il porte et défend contre vents et marées depuis son arrivée à la tête de l'entreprise en 2010.

Le lendemain, le comité de pilotage institué par le Ministre des Transports Frédéric Cuvillier avec les actionnaires de la SNCM, se prononcera ensuite sur le sort de la compagnie maritime qui se réunira pour sa part en conseil de surveillance vendredi.

La SNCM à l'heure de vérité

Après avoir refusé le dépôt de bilan proposé la semaine dernière par les actionnaires privés de la SNCM, Marc Dufour sait que de nombreux réseaux continuent plus que jamais à s'activer pour tuer la SNCM, avant ou après les municipales de 2014. Y compris dans la sphère publique...

La liste de ces réseaux vient d'être patiemment établie par Paroles de Corse, au fil d'un article fleuve particulièrement bien documenté et tout simplement intitulé : « SNCM : vers un nouveau scandale d’État ».

Revenant sur l'historique de la Société Nationale Maritime Corse, depuis sa création en 1969, jusqu'au jour d'aujourd'hui, en passant par la privatisations de 2006, Paroles de Corse lance ce simple constat en préambule :

« Il semble y avoir urgence à liquider la SNCM avant la fin de l’année, la nouvelle DSP dont la SNCM a obtenu une partie entrant en vigueur le 1 janvier 2014. Mais on ne peut comprendre cette histoire que dans le contexte général où elle se déroule et qui ressemble à un vrai thriller politico-financier sur fond de démantèlement et de dépeçage des sociétés publiques maritimes françaises commencés il y a un peu plus de 20 ans et de contrôle des transports maritimes en Méditerranée. Comme toujours la vérité est ailleurs. Accrochez-vous ! »

Dans la foulée, Paroles de Corse énumère les noms de qui de chez Veolia, de l’État, de La Méridionale (CNM) ou de Corsica Ferries, travaille plus ou moins dans l'ombre à la liquidation rapide de la SNCM. Une Société Nationale Corse Méditerranée poussée à toute hâte, en cette fin d'année 2013, vers la guillotine ultralibérale, suite aux deux décisions de la commission européenne de Bruxelles intimant le remboursement de deux enveloppes de 220 millions d'euros. Un remboursement qui, soumis à un recours de la SNCM et de l’État, devrait pourtant prendre plusieurs années à être jugé, sur le fond comme sur la forme...

Quand sonne l'hallali

Outre les noms, les fonctions et les actes de nombreux diplômés de l'ENA dans ce large dossier du transport, le journaliste Paul Antonietti évoque également Arnaud Montebourg et Frédéric Cuvillier. Le premier pour s'étonner du silence assourdissant du ministre pourtant missionné au ''Redressement productif'' dans ce dossier industriel où fleure l'odeur du sang ; et celui de Frédéric Cuvillier qui avait pourtant récemment déclaré ne pas vouloir d'un scénario à la SeaFrance à la SNCM, pour sous-entendre que le ministre des Transports tient un double discours.

Chose qui se dit depuis longtemps sur le Port de Marseille et que la CGT entend clairement dénoncer le 1er janvier prochain avec le préavis de grève déposé à la SNCM et à la CNM. Un préavis de grève argumenté ainsi par Frédéric Alpozzo, le secrétaire général CGT de la SNCM sur France 3 Corse ViaStella : pour lui, le décret en préparation au ministère des Transports concernant les règles sociales appliquées aux travailleurs étrangers dans le secteur maritime organise la « libéralisation » du secteur maritime et constitue du « dumping social au détriment [des] emplois » en « préservant les intérêts des armateurs, contrairement aux engagements » de Frédéric Cuvillier.

« La CDC est actionnaire à 9,3 % de Veolia qui contrôle à 50% Transdev dont la CDC à également 50%, rappelle de son côté Paroles de Corse. Transdev via Veolia transports SA est actionnaire à 66% de la SNCM dont l’Etat contrôle en direct 25% via l’Agence de Participation de l’Etat (Bercy) et les salariés 7%. L’État a donc tous les moyens de faire valoir son point de vue sur le sort de la SNCM. Le problème de la SNCM est peut être de se retrouver au milieu d’une vaste opération de mécano financier et industriel dans les transports entre l’État et Veolia, initiée depuis 2011. Un dégât collatéral en quelque sorte dont certains savent habilement jouer ».

Giacobbi and Co s'en lèchent les babines

Pendant ce temps, Corsica Ferries peut naviguer tranquillement et rêver de prospérer entre la France métropolitaine et la Corse, après le torpillage en vue de la SNCM, sans être inquiétée un seul instant pour l'opacité de ses comptes battue en brèche dans cette pétition lancée en soutien à la SNCM. Touché coulé ? L'avenir immédiat le dira très vite...

Ce qui est sûr, à cette heure-ci, c'est que Paul Giacobbi, le président de la CTC (Collectivité Territoriale de Corse) qui est également épinglé dans Paroles de Corse comme l'un des artisans fossoyeurs de la SNCM, a tenu aujourd'hui ces propos littéralement surréalistes, au micro de France 3 Corse ViaStella, après le blocage surprise pour une « durée illimitée » du Pascal Paoli opéré ce mardi matin par les marins syndicalistes du STC :

« S'il y a défaillance de l'entreprise, nous ferons en tout état de cause valoir nos droits et nos droits, évidemment, eh ben, ils se feront valoir soit en argent, ce qui me paraît extrêmement peu probable, soit en nature ».

Quand on sait que les marins du STC demandent à Paul Giaccobi de s'engager « par écrit à reprendre quatre navires de la SNCM en cas de dépôt de bilan » et que ce dernier brandit depuis longtemps la carotte de la création d'une société d'économie mixte suite à la mort de la SNCM, ces propos prennent encore plus de saveur ! Malheureusement, le sujet est bien grave, avec 2600 emplois à la clé et de nombreuses retombées économiques en Corse et à Marseille... Comme dirait Paroles de Corse, « bon appétit messieurs » !

N.E

(1). La SNCM est détenu par Transdev (66%), l’État, au travers de la Caisse des Dépôts et Consignations (25%) et les salariés (9%).

Mise à jour du 19.12.13, à 14h40 : Le conseil d'administration de Transdev a voté hier à l'unanimité un apport de 13 millions d'euros pour la SNCM. Voici l'intégralité de son communiqué :

« Le Conseil d'administration de Transdev Group a autorisé ce jour la mise en place d'une ouverture de crédit supplémentaire de 13M€ à la SNCM afin de permettre à cette dernière de faire face à ses échéances de trésorerie à court terme. Ce versement s'inscrit dans le cadre de la conciliation ouverte par le Président du Tribunal de Commerce de Marseille, le 11 octobre dernier, afin de favoriser le recouvrement des sommes dues à la SNCM par des tiers, notamment la CTC. 

La décision a été prise à l'unanimité des administrateurs, suite à la demande formulée par le conciliateur auprès de la direction de Transdev Group, notamment dans deux courriers récents en date des 10 et 16 décembre dernier. Les administrateurs ont notamment pris acte de ce que ce versement était indispensable au financement d'une période transitoire qui doit permettre la finalisation des travaux engagés sur "les scenarii permettant d'assurer la pérennité de l'entreprise". 

L'engagement conditionnel pris le 14 juin dernier par le Président de Transdev Group de verser 30M€ à la SNCM avant la fin de l'année a donc été rempli, en dépit des éléments nouveaux intervenus depuis cette date, qui dégradent les perspectives de redressement de la SNCM (interruption par la CTC des versements au titre du service complémentaire, condamnation par l'UE à 220M€ d'euros de remboursement supplémentaire au titre de la privatisation, ouverture d'une enquête de l’UE et recours de Corsica Ferries sur la nouvelle DSP). 

Les administrateurs, et notamment les représentants des actionnaires Veolia Environnement et Caisse des dépôts, ont unanimement souligné que, eu égard à l’effort supplémentaire important que cette décision représente de la part de Transdev, aucun autre soutien financier ne pourra être apporté à la SNCM. Ils ont par ailleurs rappelé les autres parties prenantes à ce dossier à leurs responsabilités. »

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