les pompiers qui pour une fois arrivèrent à l'heure... (DR)

La révolte du mouton, le désespoir de Benslama !

Par Hafida Seklaoui

Le monde islamique est dans une impasse. Inerte, il passe d'un effroi à l'autre, d'une crise à l'autre... Depuis, si longtemps que ça dure et rien ne change... Ni nos mœurs n'acquièrent de nouvelles dimensions,  ni une vérité ne s'impose à nos consciences que nous filons du mauvais coton, ou devrais-je dire, de la mauvaise laine. Puisque, à juste titre, ce qui me tire de mon long sommeil, et me fait réagir aujourd'hui, c'est le dépit, ô combien surprenant d'un Fethi  Benslama, hors de lui, qui le jour de l'Aïd poste sur son mur Facebook: "Ne me souhaitez pas joyeuse fête de l'Aïd! "

Si cet éminent ethnopsychiatre en vient à rejeter, dans un hurlement sourd, le rituel fondateur de la société musulmane, me suis-je dit, "c'est que l'Heure est Grave ! " Plus tard, un autre événement, tout aussi surprenant et puissant, vient secouer les consciences endormies depuis l'aube des temps. C'est la révolte du  mouton de l'Aïd. Dans un quartier d'Alger, un mouton enjamba une fenêtre d'un immeuble, se mît sur le rebord et implora Dieu qu'il le reprenne et qu'il n'eut jamais affaire à la race humaine. Hélas, pour lui, les pompiers qui pour une fois arrivèrent à l'heure, réussirent à le sauver de lui-même pour le remettre dans "le droit chemin."

Ce mouton, dont on dit, qu'il est la première offrande humaine à Dieu; celui là même qui se substitua par la suite au sacrifice du fils d'Abraham, se dérobe aujourd'hui de son rôle symbolique. Dépité, sans doute, de ce que sa mise à mort n'ait pas suffit à étancher la soif de sang des hommes qui pratiquent avec allégresse  le sacrifice humain, encore aujourd'hui et de plus belle.

Car, combien de morts dans les pays musulmans doit-on encore attendre avant que quelque chose en nous ne se révolte et crie au scandale pour que cesse cette auto-mutilation ? Combien de personnes doivent-elles encore s'abreuver de leur sang avant qu'on comprenne enfin qu'il ne s'agit plus, d'appliquer littéralement et d'une façon aussi infantile des injonctions "divines".

Ces anecdotes autour de l'Aïd sonnent un dernier round: "comme, il est urgent de transformer la haine de notre propre impuissance en actes salvateurs. A défaut de bannir toute velléités  de violence en nous, en utiliser l'énergie créatrice pour nous soustraire à cette aliénation moyenâgeuse dans laquelle tels des zambies, on ne reconnaît plus nos proches de nos adversaires."

J'en étais là de mes réflexions, quand le désespoir a repris ses droits et me dis à moi même de façon triviale et sans entrain: "de cette aliénation, le musulman ne peut sortir tant qu'il croit que sa force dérive de l'affaiblissement des femmes." Mais, soudain, un autre sujet surgit avec force et éclipsa d'un revers de la main l'éternelle question de la servitude volontaire des femmes, qui demeure sans réponse tant qu'on n'a pas débusqué le bénéfice qu'elles en tirent.  

Le cris de Benslama, le refus de mourir du mouton,  par une imbrication étrange de l'esprit m'amenèrent vers cette obscure question: "Pourquoi la haine des Shî´ites?"

Comment, en effet, nous sunnites, en sommes venus à oublier le massacre de Hossein à Kerbala? Après tout, n'est ce pas le petit fils du prophète des musulmans ? C'est bien étrange que cette mort violente n'ait laissé aucune trace en nous. Sommes-nous donc les descendants de ceux qui ont pris fait et cause pour ses assassins ? Ou bien pire, ses bourreaux assaillis par ce retour du refoulé incarné par des Shî´ites encore sous le choc. Défilant, année après année, tels des somnambules pour nous rappeler ce que nous tentons en vain d'effacer de la mémoire du monde?

Le massacre de Hossein devait être le sacrifice suprême qui clos la chaîne des sacrifices humains. C'est sa mise à mort qui devait se substituer dans la réalité au sacrifice du fils d'Abraham. D'autant que cet irréversible passage à l'acte revient, faut-il le rappeler, à l'assassinat différé du prophète lui-même. Visiblement, cette "nakba" n'aura Pas suffit. Puisque El Halladj s'offrit à son tour,  il y a mille an, au supplice de la croix pour une ultime substitution vaine à cet obscur désir parental d'en finir avec le fils et de mutiler la fille.

Du supplice de celle-ci, on ne parlera point, puisque il déambule masqué et frappe dans le silence et l'indifférence. En revanche, le désir de détruire le fils semble difficile à contenir et à déguiser.  La peine de mort maintenue encore aujourd'hui dans le pays le plus puissant au monde, l'Amérique, n'est elle pas l'essence même du sacrifice humain? Toute cette chair fraîche offerte au canon, dans des guerres absurdes, n'est-elle pas  une preuve de la haine de soi? La haine du produit de sa chair qu'il faut absolument faire taire!

L'Heure est, en effet, Grave!  Le coup de gueule de Benslama, la révolte du mouton; ni les sacrifices d'avant,  ni ceux à venir ne semblent suffire  à réveiller le mort vivant. Devenu remplaçable; n'ayant plus rien d'unique, ni de singulier, l'Homme d'aujourd'hui, ne peut ni vivre, ni mourir.

Égaré,  dans un immense magasin, sous l'emprise d'une injonction qui n'a plus rien de divin, mais qu'il se répète à l'infini : " Mange, achète, consomme, jouis, fais toi plaisir...tue! "     

 

Hafida SEKLALOUI