"Nul ne souhaite des pertes de vies humaines, mais les gens ont bien conscience  que c’est le prix à payer"... (DR)

Ahmed Badr, membre fondateur de «Tamarrod» : « Le droit de ne pas se soumettre au diktat des islamistes…»

Ahmed Badr, 40 ans, est l’un des trois membres fondateurs du mouvement Tamarrod « Rébellion ». Avec Mahmoud Badr (28 ans) et Mahmoud Abdelaziz (30 ans), il fut un membre actif dans le processus de mobilisation de grande ampleur qui a abouti, le 3 juillet dernier, à la chute de Mohamed Morsi avec le soutien de l’armée. Entretien.

-Les dirigeants des Frères musulmans accusent l’armée d’avoir été à l’origine des violences, d’avoir réprimé des sit in pacifiques, provoquant un massacre…

La réalité sur le terrain est bien différente que ces thèses trop vite répandues. Ces rassemblements supposés pacifiques ont été largement infiltrés par des groupes extrémistes armés liés à Al Qaïda, dont le gros des troupes est constitué  de détenus libérés en masse par le président Morsi. Ce sont les mêmes qui ont multiplié les nids terroristes dans le Sinaï et qui sont entrés dans les villes égyptiennes, dont principalement Le Caire, pour armer les manifestants, avec notamment des éléments Afghans, pakistanais, entraînés à l’utilisation d’armes de guerre et missionner pour mener le pays vers une confrontation générale. Un certain nombre d’entre eux ont d’ailleurs été arrêtés à la mosquée El Fath. Les dirigeants des Frères, dont Mohamed El Baltagui, ont implicitement reconnu ces faits en posant comme condition à la neutralisation de ces groupes le retour au pouvoir de Mohamed Morsi. On ne le répètera jamais assez, le peuple égyptien se tient aux côtés des forces de sécurité dans cette lutte contre le terrorisme.

-Pourquoi les Frères musulmans maintiennent-ils leurs appels à la mobilisation, malgré les lourdes pertes dans leurs rangs ?

Les Frères sont effectivement déterminés à poursuivre ces débordements anarchiques avec le concours de mercenaires. Nous en sommes désormais convaincus : l’objectif est de diviser le peuple égyptien, d’affaiblir le pays au niveau régional et dans le monde arabe, de le faire basculer dans le chaos, voire de créer les conditions d’une intervention étrangère. Nous estimons être en présence d’actes de haute trahison et c’est la perception qu’en a la grande majorité de la population.

-Comment la population égyptienne réagit-elle face aux affrontements qui ont fait tant de morts ?

Nul ne souhaite des pertes de vies humaines, mais les gens ont bien conscience  que c’est le prix à payer. L’Egypte et son peuple sont en guerre contre le terrorisme. Il y aussi des morts et des blessés dans les rangs des forces de l’ordre, une cinquantaine d’églises ont été détruites, plus de 32 commissariats de police ont été incendies. Des soldats sont tombés dans le Sinaï...

-Comment le mouvement Tamarrod réagit-il aux mises en garde de la communauté internationale adressées à l'armée et au gouvernement transitoire ?

Le mouvement, tout autant d’ailleurs que le reste des égyptiens, est fortement déçu devant les attitudes de la France, des Etats-Unis, de l’Allemagne qui, contrairement à leurs positions habituelles, soutiennent étrangement ces actes terrorisme en Egypte. Des banderoles d’Al Qaida étaient pourtant brandies lors des manifestations dans les rues du Caire et des éléments directement liés à cette organisation on été arrêtés. Ces positions inexplicables suscitent dans la population le sentiment d’un complot international pour mener le pays vers une situation identique à celle vécue par la Syrie et la Libye.

-Quelles seraient les sorties de crise possibles ?

Les groupes armés qui menacent le pays derrière la confrérie des Frères musulmans doivent déposer les armes. C’est la seule sortie de crise possible de notre point de vue. Les pays européens et les Etats-Unis doivent cesser de couvrir ces actes terroristes et reconnaître au seul peuple égyptien le droit de se protéger, de ne pas se soumettre au diktat des islamistes. C’est un droit fondamental que nous comptons défendre quel que soit le prix à payer, car il y va de l’avenir de notre société et de l’équilibre géopolitique dans la région.