Salman El Herfi"Il nous faut absolument dresser un barrage à cette politique d’agression et de néo-apartheid"... (DR)

Pour le Fatah, "l’apartheid d’Israël s’accélère dans l’indifférence" en Palestine

Légaliser la colonisation sauvage des terres palestiniennes : c’est ce que vient de voter le gouvernement israélien de Benyamin Netanyahou. Au même moment, le Fatah, le Mouvement de libération de la Palestine fondé par Yasser Arafat, tient son congrès. Rencontre avec Salman El Herfi, membre de l’organisation et ambassadeur de la Palestine à Paris.

C’est le fait marquant de la situation au Proche-Orient, dans la foulée de l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis : l’aile dure de la coalition conduite par Benyamin Netanyahou est parvenue à imposer un projet de loi légalisant la colonisation. Le texte a été adopté à l’unanimité par la commission ministérielle le 13 novembre. « C’est une honte, le gouvernement soutient une loi qui va permettre de confisquer des terres privées palestiniennes pour construire des colonies », a réagi Hagit Ofran, une des dirigeantes de La Paix maintenant, une ONG israélienne opposée à la colonisation, citée par l’AFP. Naftali Bennett, chef du Foyer juif – un parti nationaliste religieux fervent partisan de la colonisation, farouchement opposé aux évacuations –, à l’origine du texte, s’est publiquement réjoui de l’élection de Trump, assurant qu’il devenait plus que jamais possible d’accélérer la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Ces annexions israéliennes ont lieu dans l’indifférence de la communauté internationale. La France a toutefois réitéré, le 17 novembre, son intention d’organiser avant la fin de l’année une conférence internationale sur le conflit israélo-palestinien, malgré le refus de l’État hébreu. C’est dans le contexte de ces tractations sans fin, hors de toutes perspectives réelles de paix, que se tiendra, le 29 novembre prochain, le congrès du Fatah palestinien. Ambassadeur de la Palestine à Paris et membre du Fatah, Salman El Herfi, revient sur l’événement et sur les enjeux prioritaires.

_.Comment va le Fatah, il faut reconnaître qu’il ne fait plus parler depuis quelque temps ?

Salman El Herfi: Le Fatah se porte bien. Il tiendra son congrès le 29 novembre. Celui-ci doit normalement avoir lieu tous les trois ans, mais il y a eu du retard en raison des événements qui secouent la région. Il nous était surtout difficile de rassembler tous les membres, entre ceux qui se trouvent en Irak, en Syrie, et ceux qui sont décédés. Le travail de préparation a enfin été mené à terme. La conférence nationale du Fatah s’ouvrira donc à la fin de ce mois. Il y aura des élections ainsi qu’une révision du programme politique.

_.Quels sont désormais les enjeux prioritaires aux yeux de l’organisation ?

Salman El Herfi: Nous faisons face à une situation très difficile qui nous impose de revoir totalement nos objectifs politiques. Ceci, face à l’intransigeance d’Israël et à l’intensification de sa politique de colonisation, en infraction à tous les accords. Nous nous devons d’envisager des mesures concrètes pour nous y opposer, d’autant que les négociations sont complètement bloquées. Les Israéliens s’obstinent à vouloir imposer des discussions juste pour le principe afin de créer un fait accompli et de poursuivre l’annexion des territoires. Il nous faut absolument dresser un barrage à cette politique d’agression et de néo-apartheid.

_.La France projette toujours d’organiser une conférence internationale…

Salman El Herfi: Nous avons une opinion favorable de cette initiative. Nous l’avons appuyée dès le début. C’est d’ailleurs la seule initiative sur la table. Nous saluons par ailleurs toutes les dispositions de cette nature qui peuvent faire bouger les choses au Moyen-Orient et surtout permettre de sortir de l’impasse des négociations, de reconnaître et de stopper la politique d’occupation israélienne. La Russie propose de son côté de faire l’intermédiaire, mais les Israéliens s’y opposent.

_. Vous attendez-vous à ce que Donald Trump renforce le soutien à Israël, sachant que son prédécesseur a déjà engagé 38 milliards de dollars d’aide militaire pour la prochaine décennie ?

Salman El Herfi: Les États-Unis constituent à nos yeux le plus grand obstacle au processus de paix au Moyen-Orient. Nous avons une très mauvaise expérience de la position américaine en général. En réalité, les Américains n’ont jamais voulu mettre en place un véritable plan de paix…

Source : H. Dimanche n°537