le Salon du Livre à Alger... (DR)

Algérie : les auteurs et les livres otages du pouvoir

Un projet de loi sur l'édition débattu au Parlement impose une autorisation préalable du ministère de la Culture à la vente et à la dédicace d’un livre en librairie. Les éditeurs dénoncent des "dérapages liberticides", qui choquent y compris dans les rangs des députés FLN majoritaire.

Si ce projet est adopté, le simple fait pour un auteur « de vendre et dédicacer un livre (dans une librairie) sera soumis à une autorisation du ministère de la Culture », a expliqué Khalil Kabdane, député du Front de libération nationale cité par l’AFP, qui dénonce un texte « liberticide ».

Ce texte introduit la « caporalisation du livre par le gouvernement », s’offusque à son tour Ismahane Mokrane, une députée indépendante, selon la même source.

« C'est la porte ouverte à l'arbitraire, c'est un texte anticonstitutionnel et liberticide », s’insurge l’éditeur Boussad Ouadi. Ce projet, « c'est pour dire dégagez. Ils ne veulent que des courtisans (...) Avec ce texte, c'est la mort de la création, c'est l'autocensure poussée à l'extrême. Cela revient à pousser les auteurs à publier à l'étranger ».

La porte ouverte à l’arbitraire…

« C'est l'autoritarisme qui revient en force », renchérit le politologue Rachid Tlemçani, estimant que si ce texte est adopté, il sera « hors de question d'émettre la moindre critique ». Remarquons que l’autoritarisme est déjà fort bien enraciné en Algérie.

La disposition est justifiée par un autre article du projet de loi au nom du respect « de la Constitution et des lois, de la religion musulmane et des autres religions, de la souveraineté et de l'unité nationale et des exigences de la sécurité, de la défense nationale et de l'ordre public ».

En cas de violation, les éditeurs encourent une amende allant de 500.000 à 1 million de dinars (5.000 à 10.000 euros).

En 1987, au temps du parti unique, un visa d'édition était imposé par le ministère de la Culture. Le projet de texte en débat déploie en fait un tapis rouge aux courtisans du régime et dresse un barrage aux auteurs rebelles à l’ordre établi. Habituellement, quand la Culture fait peur à ce point au pouvoir, c’est qu’il amorce sa descente…