barrage de contrôle effectué par les rebelles à Tripoli (Photo: Xinhua)

Libye: témoignages autour d'un massacre collectif de détenus par une brigade "d'élites" de Kadhafi

L'envoyé spécial du journal Le Monde, Jean-Philippe Rémy, décrit dans l'édition en ligne du lundi 29 août la découverte d'un charnier dans un quartier proche de Tripoli. Le massacre est attribué, selon d'autres sources concordantes, aux forces commandées par un fils de Mouammar Kadhafi, Khamis, donné mort à deux reprises par les rebelles. Sa brigade avait en charge le contrôle de ce quartier. Les faits se seraient déroulés juste avant l'assaut donné par les rebelles sur Tripoli.

Le journaliste du Monde rapporte les témoignages d'un rescapé relatant l'horreur.

"Bachir Mohammed Sadik faisait partie de ceux qui ont été entassés dans la chaleur et la pestilence de ce hangar. Il y a passé quatre-vingt-quinze jours et, tout à coup, la porte s'est ouverte, vendredi 26 août, puis des grenades ont été lancées sur les 150 prisonniers, tandis qu'à l'extérieur des exécuteurs attendaient les fuyards et tentaient de les tuer tous avec des armes automatiques.

Il s'agissait d'éliminer tout le monde dans cette prison secrète, car la 32e brigade était en train de prendre le large, face à l'avancée rebelle. Dans leur précipitation, les bourreaux ont bâclé le travail. Des dizaines de détenus sont parvenus à s'échapper dans la nuit.

Bachir Mohammed Sadik a fui, éperdument. Puis, caché derrière un mur, il a entendu les hurlements, les tirs, les appels au secours, avant de voir le brasier allumé. Depuis, il n'a pas retrouvé tous ses esprits. Il pleure dans les bras d'un autre survivant qui vient aussi de revenir sur les lieux. Tous deux accusent les hommes de la 32e brigade de les avoir emprisonnés, puis d'avoir tenté de les éliminer lorsque les rebelles du Conseil national de transition (CNT) approchaient.

Dans le garage, les grenades et les tirs ont laissé au moins une cinquantaine d'hommes au sol. Le bureau adjacent est lui aussi carbonisé. Devant sa porte, trois autres corps, les bras ou les pieds attachés : les "gardiens", selon un homme qui dit s'appeler Ahmed Abdelsalam. Il se présente comme le frère d'un survivant, et affirme qu'il s'agissait "d'éliminer les témoins".

La séquence des événements dans ce garage transformé en prison n'est pas tout à fait claire, mais elle est presque atrocement banale. Les prisons libyennes ont été, à plusieurs reprises, des lieux de massacre", commente le journaliste à la fin de ce témoignage.