Robert Menard

Robert Ménard : « Ce sont les journalistes qui ont un problème, ce n'est pas moi ! »

« Robert Ménard : jusqu'où ira-t-il ? ». C'est la grande question que nous avons posée ici, sur Médiaterranée. En attendant l'heure de vérité, le journaliste de Sud Radio et iTélé a bien accepté de nous donner sa réponse à lui, ce 29 octobre 2011. Au cours d'un entretien d'une vingtaine de minutes avec un habitué des talk-shows qui parle forcément beaucoup... Et donne souvent l'impression de tourner sur lui-même. Du «Ménard en liberté», pour reprendre le titre de son émission à Sud Radio ? A vous de juger ! 

Jusqu'où irez-vous, M. Ménard ?

 « Pour répondre à votre question : je n'irai nul part. Cette question sous-entend que je me fixerai des barrières à franchir ou des objectifs à atteindre. Il ne s'agit pas de ça : j'ai toujours la même démarche depuis 25 ans. Hier, à la tête de Reporters Sans Frontières en défendant la liberté d'expression des autres, souvent ailleurs dans le reste du monde. Et maintenant, ici, en ce qui concerne ma pratique de journaliste. Ce n'est pas plus compliqué que ça et les gens qui me font des procès sur le thème «jusqu'où il ira?», «qu'est-ce qu'il dira ?», et tout... Rien ! Je défend un certain nombre de convictions et je donne l'occasion aux gens de prendre la parole. Des gens qui souvent, malheureusement, ne peuvent pas s'exprimer dans les médias, parce qu'on trouve que leur parole est indigne ou que sais-je encore...

 Ce sont ces « convictions » qui vous amènent à intervenir aux « 4ème journées de la réinformation », organisée par Polémia (1) ?

Ben là, il n'y a pas de... Ce n'est pas des convictions, je ne partage pas de point de vue avec M. Le Gallou [le responsable de Polémia, ex-FN et ex-MNR, Ndlr]. Pas plus que je n'en partage avec les gens de l'UOIF (Union des organisations islamiques de France) qui m'ont également invité à un débat. J'y suis allé ! Je ne suis pas musulman, ni islamiste ! Hier, des gens de la Licra [Ligue contre le racisme et l'antisémitisme, Ndlr] m'ont demandé de participer à un débat, j'irais à ce débat ! Il n'y a rien, il y a simplement le goût du débat ! Et je ne choisi pas les gens avec qui je débats, c'est la différence... 

Quel sera le sens de votre intervention à Polémia ? 

Oh, écoutez, je n'y ai pas réfléchi spécifiquement... Ils me demandent en quoi internet a changé la pratique des médias, ça saute tellement aux yeux que j'aurais dix mille choses à dire, je vous le garanti ! C'est juste le cœur de ce que je fais depuis 20 ans : la liberté de la presse, les médias et la réflexion sur comment ils fonctionnent. Oui, je pense qu'internet a changé la donne. Aujourd'hui, un certain nombre d'informations qui étaient peu ou pas traitées dans les médias traditionnels avant, sortent maintenant dans ces médias parce qu'ils y sont bien obligés, vu que tout internet en parle. Donc oui, internet a changé les choses dans le bon sens. En même temps, internet ça peut aussi être le réceptacle et l'émetteur des pires rumeurs. Mais vous savez, tous les instruments sont comme ça, il ne sont pas que positif ou négatif, ils sont un mélange des deux, c'est ce que je vais essayer d'expliquer... 

Cela ne vous dérange pas de donner votre expertise à une organisation qui souhaite reconquérir, réinformer les médias, au profit d'une idéologie d'extrême droite ?

Ben non. En quoi ça me dérangerait ? Cela ne vous dérange pas... Et quand j'étais invité avant, à l'Humanité, est-ce que je me suis posé cette question-là ? C'est une question... Mais enfin, c'est invraisemblable... C'est quand même une question qui ne se pose pas ! Là vous posez une question comme si vous faisiez de la politique ! La différence entre les journalistes et moi, c'est que moi, je ne fais pas de politique. Je fais juste mon métier. C'est à dire que je ne me demande pas de qui ça fait le jeu, ça, c'est une problématique politique. Moi, j'essaye juste de débattre avec des gens en défendant mon point de vue dans des lieux où l'on m'invite. Je ne suis pas un homme politique, je ne ramasse pas des voix, je ne me présente pas aux élections et je n'ai pas de souhait immédiat, quant à qui va gagner les prochaines élections. Donc non, je ne me pose pas la question que vous vous posez manifestement de savoir de qui ça va faire le jeu. Je l'ai tellement entendu ça, je l'ai tellement entendu ! Dans les années 80, les informations qui étaient développées par la presse d'extrême droite étaient considérées comme fausses, parce qu'elles étaient le fait d'une presse d'extrême droite. Dans l'autre camp, l'Humanité disait quelque chose, il y a toute une partie de la presse qui disait : « si l'Humanité le dit, c'est que c'est faux». Je n'ai jamais eu cette approche-là, je ne l'ai jamais eue... Mais sur ce point de la réinformation des médias, le postulat de base de cette journée, au niveau de ses organisateurs, c'est de dire... … Mais ça, c'est leur affaire, ce n'est pas la mienne ! Si demain Lutte Ouvrière m'invite à débattre à sa fête, je ne me demanderai pas si je fais le jeu de la dictature du prolétariat, mais ça ne va pas bien, non ? Bien sûr que non ! 

Ma question c'était : quel est votre point de vue sur le postulat de départ de cette journée quant à la « réinformation » nécessaire des médias, qui, sous-entendu, ne laissent pas s'exprimer les opinions d'extrême droite, par exemple... 

Attendez, d'abord, ça, je ne suis pas sûr que ce soit exactement leur postulat de base, ce que vous êtes en train de me dire (2)... Si c'est pour me dire : est-ce que l'extrême droite a la place qu'elle doit avoir dans les médias ? Ma réponse est évidemment non ! J'ai écrit un livre là-dessus qui s'appelle Vive le Pen !, avec Emmanuelle Duverger : ma réponse est évidemment, non. Aujourd'hui, les points de vue qui sont le plus difficile à médiatiser, ce sont ceux des extrêmes droites autres que Marine Le Pen, parce que ceux sont celles-là que les journalistes ont le plus tendance à boycotter. Je ne le dis pas parce que je défend ce point de vue-là, seulement parce que je le constate jour après jour. Si j'invite un responsable d'extrême gauche à la radio ou à la télévision, il n'y a jamais personne pour me faire remarquer que je le fais. Si je reçois un penseur, un philosophe, un historien, un politicien d'extrême droite, il y aura toujours quelqu'un pour me dire : « regardez, il fait le jeu de qui ? » Mais c'est tout simplement invraisemblable ! Je reçois les uns et les autres sans aucun d'état d'âme et je leur pose des questions avec j'espère la même pugnacité aux uns et aux autres.

 Comprenez-vous que vos positionnements paraissent bien flous ? 

Non, ça paraît flou pour la caste des journalistes, ça ne paraît pas flou pour les gens. Quand je les rencontre dans la rue, ils approuvent cette façon d'aborder les choses : on donne la parole aux uns et aux autres, on fait débattre les uns et les autres ensemble. Ce matin sur Sud Radio, il y avait le responsable de la CGT des chômeurs sur l'antenne, au même moment qu'une responsable du FN. Ca m’intéresse de les entendre et je pense que c'est juste mon job de journaliste. 

Pour vous donner un exemple de ce flou : d'un côté vous dites ne pas partager les opinions d'extrême droite et de l'autre, vous déclarez, par exemple, en mars sur RTL : « j'approuve (...) l'analyse de Marine Le Pen ». C'est ambiguë, tout ça... 

Ce que j'ai dit exactement - le minimum dans ce métier, c'est de vérifier les propos qui me sont attribués -, c'est que sur un certain nombre de points, j'étais d'accord avec ce que disait Marine Le Pen. Et quand Christophe Hondelatte m'a demandé sur quels points, j'ai dit que je trouvais scandaleux, par exemple, que le Front National qui représente 15 à 20 % de l'électorat n'ait pas un député ou un sénateur. J'ai raison ou pas raison ?

[Pour vérifier les propos et voir que Robert Ménard a bien déclaré « j'approuve (...) l'analyse de Marine Le Pen », en plus du reste, il suffit de voir la vidéo ici]

Robert Menard approuve Marine le Pen et salue... par FNADDICT

Oui, j'ai vu ça... 

Ben voilà... Ce que j'ai dit, ça fait de moi un militant d'extrême droite ? Quand je dis que M. Mélanchon a raison de juger les écarts de salaire en France excessifs et anormaux et qu'il est inacceptable qu'un patron du CAC 40 gagne en moyenne 150 fois le salaire d'un smicard, là, personne ne vient me dire, ça y est, il a adhéré au Front de Gauche ! Quand M. Besancenot met dans sa liste une femme voilée, je trouve qu'il est courageux de le faire et je l'applaudis. Est-ce que ça veut dire que j'ai adhéré au NPA ? Moi ? Attendez, simplement parce qu'on dit ça ! Mais personne ne me le reproche, là ! C'est juste quand je dis que sur certains points j'approuve ce que dit Marine Le Pen, qu'il y a un problème... Mais ce sont les journalistes qui ont un problème ! Ce n'est pas moi ! C'est eux qui ont un problème ! C'est 90% de cette profession qui a un problème avec la réalité ! Pas avec moi, avec la réalité ! 90% des journalistes n'aiment pas ce peuple, ils n'aiment pas ce pays, ils n'aiment pas une partie de ce que les gens pensent ! Mais c'est leur affaire... 

C'est certainement un point que vous allez aborder, lors de la journée à Polémia ? 

J'en sais rien, peut être, sûrement... 

Ca colle bien en tout cas... 

Non, non je ne vous laisse pas dire que « ça colle bien »...

Pourquoi ? 

Ca, c'est une « saloperie », ce que vous dites... 

Non, non, non... Je retire, si je vous ai choqué ? 

Ca ne colle pas bien, parce que je serai capable de dire à Polémia, ce que j'ai déjà dit dans des lieux où je suis invité par des gens de sensibilités de droite. Je peux leur dire : « posez-moi une question sur ce que je pense de comment l'extrême droite traite l'islam et les musulmans ». Et vous verrez ce que j'en dis, là, ça ne collera pas, pour reprendre votre terme... 

Et donc, qu'en pensez-vous de comment l’extrême droite traite l'islam et les musulmans ? 

J'en pense ce que je dis tout le temps : que c'est indigne de faire des musulmans les ennemis de la démocratie, les responsables de l'insécurité, que dans l'islam et chez les musulmans, de façon ontologique, il y aurait un problème... Il n'y a aucun problème avec l'islam et les musulmans. Il y a des gens que l'on accueille de façon absolument abominable, qu'on entasse dans les quartiers et évidemment, aujourd'hui, il y a un problème de délinquance dans ces quartiers-là... Parce qu'ils sont accueillis de façon indigne dans un certain nombre de quartiers, où ils vivent de façon indigne ! Et c'est pour ça que je suis contre le fait qu'on accueille à bras ouvert des gens. Les gens qui disent ça sont démagogiques, parce qu'ils ne se posent pas la question de où ces gens vont vivre après. Ouvrons les frontières, accueillons les gens dans des conditions de merde et qu'est-ce qu'ils vont devenir ces gens-là ? C'est pour ça que je critique à la fois l'extrême droite, quand elle fait des musulmans et de l'islam le bouc émissaire de tous les problèmes ; et à la fois un discours béatement humaniste qui, sous prétexte de recevoir tout le monde, ne se pose jamais la question de comment ces gens vivent là. Qui sont les premiers à faire les frais de cette politique irresponsable ? Ce sont ceux qui pratiquent l'islam et qui essayent de s'intégrer dans ce pays et qui le réussisse, Dieu merci, comme 90% d'entre-eux. Et ça, ça colle pas avec le discours des gens chez qui je vais aller et je le dirais de la même façon que je vous le dis là... 

Vous défendez la liberté d'expression, mais quand vous traitez le CSA de « faux-cul de première » dans Le Point (07.09.2011), vous n'avez pas l'impression que la forme est un peu agressive pour des gens qui s'expriment, justement ? 

Pour des gens qui ne s'expriment pas, oui ! Qu'en 48h on ait condamné Sud Radio comme ça, à la va-vite, sans même que personne de l'entreprise n'ait jamais été entendu par le CSA, mais très bien ! Pourquoi ils ne font pas la même chose pour RMC ? On est le 29 septembre : le 12 août, Jean-Michel Larqué explique à propos d'un club de football [Arsenal, Ndlr] qu'ils sont économes sur les salaires de leurs joueurs, en disant « c'est pas étonnant, ce sont des juifs » ! Le CSA s'est mobilisé là-dessus ? Non, alors bien sûr que ce sont des faux-culs de première ! C'est indigne de faire comme ça, ça veut dire qu'il y a deux poids de mesure ? Je ne conteste pas qu'il y a eu un problème sur l'antenne de Sud Radio, je l'ai dit partout, on ne peut pas me faire ce procès... Et ça ne me concerne pas directement. Je le dis pour défendre quelqu'un [Eric Mazet, un animateur de Sud Radio, mis à pied, Ndlr], dont je pense qu'il a fait une connerie, qu'il a manqué de réparti, qu'il a été maladroit dans ce qu'il a dit.... Tout ça n'en fait pas un antisémite ou alors on traite tout le monde de la même façon. RMC, ils sont au-dessus des lois du CSA ? Qu'est-ce que c'est que ça ? Oui, ce sont des faux-culs de première. 

Aujourd'hui, vous attendez donc que RMC subisse le même sort ? 

Non, vous ne pouvez pas me dire ça, à moi ! Moi je considère qu'un certain nombre de ces lois [dont la loi Gayssot, Ndlr] sont inadéquates. On a en France la législation parmi la plus sévère qu'on ait faite contre les propos racistes et antisémites. A juste titre, dans l'intention, puisqu'il s'agissait de combattre grâce à cette loi le racisme et l'antisémitisme. Le racisme et l'antisémitisme n'ont pas reculé en France, malgré ces lois, donc je suis contre elles. C'est pour ça que je ne dis pas qu'il faut poursuivre Jean-Michel Larqué. Je dis que si on poursuit Sud Radio, on poursuit aussi RMC: si on applique la loi, on l'applique pour tout le monde. 

Vous dites que ces lois ne luttent pas contre la montée de l'antisémitisme, mais est-ce que vous avez conscience qu'en abordant certains thèmes comme celui de ce matin sur Sud Radio (« Faut-il sévir contre les fraudeurs aux allocations »), et en tenant un certain langage à l'antenne (« les gros et les petits », « tous pourris »), vous entretenez une certaine idéologie, le poujadisme ? 

Mais alors, attendez ! Mais qu'est ce que je vais dire ? Je ne vais plus aborder un certain nombre de sujets parce que parmi les auditeurs ou parmi les invités, il y a des gens qui l'utilisent à des fins politiques ? Je n'aborde plus rien, alors ! Il n'y a pas un problème de fraude ? Il n'y a pas un rapport qui a été publié par la CAF en disant que les fraudes ont augmenté de 12% ? Et je vous rappelle que dans mon édito de ce matin, j'ai dit à la fois qu'il me semblait nécessaire de lutter contre ces fraudes, compte tenu du déficit des caisses sociales en France ; et à la fois qu'on ferait bien de s'en prendre aussi à ceux qui pillent les pays en toute légalité : je parle des traders et des spéculateurs. Mais vous n'avez pas le sentiment que ça peut augmenter la propension extrémiste ? Non, honnêtement, je ne vois pas de quoi vous parlez. Je crois que dans votre tête, comme dans la tête d'un bon nombre de journalistes, il y a des idées que je ne comprend même pas ! (…) C'est dans votre tête que ça ne se passe bien. Parce que parler des « gros » et des « petits », ça nourrirait le « tous pourri », qui nourrirait « l'antisémitisme », mais je sais pas ! Il faut arrêter de faire du journalisme, il faut faire de la propagande ! Vous allez dans les presses qui disent ça et vous l'écrivez. Moi je ne suis pas dans les logiques comme ça... Je suis simplement dans la réalité ». 

Recueilli par Nicolas Ethève 

(1) Le 15 octobre, Robert Ménard interviendra aux « 4e journées de la réinformation » organisées par Polémia, un groupe de réflexion qui vise notamment à « affirmer sans complexe la supériorité de la civilisation européenne ».

(2) Pour Abel Mestre et Caroline Monnot, journalistes au monde, c'est sûr : « Aujourd’hui, M. Le Gallou s'est fait une spécialité de ce qu'il appelle "la réinformation" – comprendre la méthode de lutte contre les "médias dominants" et le "politiquement correct"– et de la bataille du Net. Ainsi, il est l'auteur d'un véritable manifeste de l'activisme sur la Toile, intitulé "Douze thèses pour un gramscisme technologique" – en référence au communiste italien, Antonio Gramsci, pour qui il n'y a pas de victoire politique possible sans au préalable une victoire culturelle. Une conception qui avait été reprise par la Nouvelle Droite dans les années 1970-1980, dont M. Le Gallou demeure un des cadres les plus influents ». Extrait de leur blog : www.droites-extremes.blog.lemonde.fr 

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