Gaz de la discorde : Ankara et Le Caire relancent les tensions en Méditerranée orientale
La Méditerranée orientale demeure un baril de poudre énergétique. Ce samedi 1er novembre 2025, Le Caire a adressé une mise en garde solennelle à Ankara, dénonçant une «escalade» après l’annonce par la Turquie de nouvelles prospections gazières dans une zone maritime disputée au large de Chypre.
Selon Arab News et Arab News +1, les autorités égyptiennes jugent ces forages «provocateurs » et contraires au droit international. La Turquie, de son côté, affirme «défendre sa souveraineté » et agir dans le cadre de sa propre zone économique exclusive (ZEE).
Un vieux différend ravivé
Depuis plus d’une décennie, les tensions autour des gisements d’hydrocarbures de la Méditerranée orientale opposent Ankara à plusieurs États riverains -Grèce, Chypre, Israël, Égypte- regroupés dans des alliances concurrentes. L’accord maritime signé en 2019 entre la Turquie et le gouvernement libyen de Tripoli avait déjà redessiné les cartes : il attribuait à Ankara de vastes zones de prospection, empiétant sur des espaces revendiqués par Athènes et Le Caire.
Les récentes annonces turques prolongent cette logique de bras de fer. Ankara a dépêché un nouveau navire d’exploration sismique dans le secteur dit du « plateau anatolien », estimant que les eaux concernées relèvent de son plateau continental. L’Égypte y voit une atteinte directe à sa propre ZEE, définie par un accord bilatéral signé avec la Grèce en 2020.
L’énergie comme levier politique
Derrière les lignes de forage se joue bien plus qu’une bataille technique : c’est l’équilibre énergétique et géopolitique de toute la Méditerranée qui est en jeu. L’exploitation des gisements de gaz naturel -estimés à plusieurs centaines de milliards de mètres cubes- pourrait transformer durablement les rapports de force régionaux.
Pour la Turquie, dépendante des importations russes et iraniennes, chaque découverte offshore est une promesse d’indépendance énergétique. Pour l’Égypte, déjà exportatrice de gaz liquéfié via ses terminaux d’Idku et de Damiette, ces champs constituent un levier économique et diplomatique majeur, notamment vis-à-vis de l’Union européenne en quête d’alternatives à Moscou.
Ces ambitions concurrentes s’entrechoquent dans un espace maritime dense, où se superposent les ZEE, les routes migratoires, les zones de pêche et les installations militaires. Chaque mouvement de navire turc suscite des protestations et, parfois, le déploiement de bâtiments de guerre pour « surveiller » la zone.
Un équilibre fragile
Les chancelleries européennes observent avec inquiétude cette montée des tensions, craignant un incident naval ou une dérive militaire dans une région déjà sous tension -de Gaza à Beyrouth. Si Ankara et Le Caire avaient amorcé un timide rapprochement diplomatique depuis 2023, la question gazière ravive de vieux antagonismes nés après le renversement du président Morsi, allié de Recep Tayyip Erdoğan.
Pour l’heure, ni la Turquie ni l’Égypte ne semblent prêtes à céder du terrain. Ankara veut prouver qu’elle est incontournable dans tout partage des ressources méditerranéennes ; Le Caire entend défendre la légalité internationale et son rôle de pilier régional. Entre ambitions énergétiques, nationalismes maritimes et rivalités d’influence, la Méditerranée orientale s’affirme plus que jamais comme un espace de confrontation stratégique.
Sources : Arab News +1, Arab News (1er novembre 2025)
Photo: (DR°