Cécile Kohler et Jacques Paris libérés en Iran : une liberté encore sous condition
ls sont sortis de la prison d’Evin, mais pas encore tout à fait libres. Cécile Kohler et Jacques Paris — arrêtés en Iran en mai 2022 et détenus depuis plus de trois ans — ont été placés en liberté conditionnelle et ont rejoint la résidence de l’ambassadeur de France à Téhéran, a annoncé la présidence française et le ministère des Affaires étrangères. Le soulagement est immense pour leurs proches et pour l’opinion publique française, qui avaient suivi au jour le jour cette affaire devenue l’un des dossiers les plus sensibles des relations franco-iraniennes.
Leur arrestation remonte au 7 mai 2022, dernier jour d’un voyage touristique. Les autorités iraniennes les ont accusés d’« espionnage » et de « collaborations » avec des services étrangers — des accusations catégoriquement rejetées par Paris, qui a dénoncé une détention arbitraire et des conditions assimilées à de la torture par certains observateurs. Pendant de longs mois, la France a eu des contacts limités avec les prisonniers : les visites consulaires ont été rares et strictement encadrées, et Téhéran a diffusé des aveux filmés à la télévision d’État, que Paris et les organisations de défense des droits humains ont qualifiés de « aveux forcés »
Les peines prononcées en octobre 2025 — lourdes et comprenant des chefs d’accusation graves — avaient rendu la situation encore plus explosive. La France avait alors engagé une action devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour dénoncer les violations de la Convention de Vienne et obtenir des mesures en urgence. La plainte visait à mettre la pression sur Téhéran et à rappeler la dimension internationale du dossier.
Des tractations politiques et juridiques menées en coulisses
Plusieurs éléments montrent que la libération n’est pas le fruit du hasard mais le résultat de tractations diplomatiques discrètes. Selon des informations concordantes, Paris et Téhéran ont multiplié ces derniers mois les canaux de dialogue : contacts bilatéraux, pressions juridiques (la saisine de la CIJ) et discussions indirectes sur un échange de détenus impliquant notamment une Iranienne détenue en France, Mahdieh Esfandiari, ainsi que d’autres cas évoqués publiquement. Dans ce cadre, la décision de la France, fin septembre, de retirer sa procédure de la liste de la CIJ a été présentée par plusieurs observateurs comme une manœuvre tactique susceptible d’ouvrir la voie à un accord.
Les autorités françaises ont précisé que Kohler et Paris restent soumis à des conditions — interdiction de sortie du territoire iranien et formalités administratives en cours — et que l’équipe diplomatique dépêchée sur place accompagnera personnellement leur rapatriement dès que toutes les garanties seront réunies. Le cabinet présidentiel a salué « une première étape » vers leur retour définitif en France. De son côté, Téhéran n’a que partiellement communiqué sur le dossier, se limitant à confirmer la sortie des deux Français de la prison sans entrer dans le détail des concessions éventuelles obtenues en contrepartie.
Ce que révèle l’affaire sur la «diplomatie des otages»
L’affaire Kohler–Paris illustre la stratégie, dénoncée par nombre d’États occidentaux et d’ONG, selon laquelle des ressortissants étrangers peuvent être utilisés comme levier diplomatique. Les arrestations de ressortissants étrangers en Iran — souvent assorties d’accusations d’espionnage diffusées publiquement — ont à plusieurs reprises donné lieu à des négociations discrètes et à des pressions juridiques internationales. Pour les familles et les avocats, la bataille ne s’arrête pas avec la sortie de prison : resteront à éclaircir les conditions exactes des accusations, l’état de santé des détenus après des années d’isolement, et les garanties permettant un retour sécurisé en France.
Pour l’heure, la priorité du gouvernement français est claire : assurer la sécurité immédiate de Cécile Kohler et Jacques Paris, finaliser les formalités qui permettront leur départ et tirer les leçons diplomatiques d’un dossier qui a mis à l’épreuve les moyens juridiques et politiques de la France. Les prochains jours et semaines devraient dire si la libération conditionnelle se transformera rapidement en retour définitif — et si, au-delà d’un dénouement individuel, cet épisode conduira à un ajustement durable des relations entre Paris et Téhéran.
Sources consultées pour rédaction : Le Monde, Reuters, AFP, TF1info, Le Parisien, sites officiels — CIJ et Quai d’Orsay.)