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La Grèce, laboratoire d'un tourisme hors saison pour une économie plus stable

Alors que l’été traditionnel touche à sa fin, la Grèce s’inscrit de plus en plus comme un laboratoire de la « shoulder season », cette période tampon automne-printemps où le tourisme gagne du terrain hors des pics estivaux. Cette mutation ne concerne pas seulement les choix de vacances : elle touche profondément la société, l’économie locale et la stratégie d’aménagement du pays.

L’essor des voyages hors-saison – quatre mois ou plus avant ou après l’été – répond à plusieurs enjeux : éviter l’asphyxie estivale des destinations, lisser les flux sur l’année et prolonger un modèle économique fortement dépendant de l’été. Selon le rapport publié par la European Travel Commission (ETC), la Méditerranée a enregistré pour la période octobre 2025-mars 2026 une part de 52 % des intentions de voyage des Européens, contre 45 % l’an précédent. Dans ce classement, la Grèce figure à 5 % de parts de marché – à égalité avec le Portugal et la Turquie. En clair : l’attractivité reste forte, mais elle se répartit désormais sur plus de mois.

Ce basculement a des retombées directes : d’abord sur l’emploi. Le modèle traditionnel du « 3 mois d’été » suivis d’un creux hivernal est remis en cause. Le rapport de l’Institut de recherche de la Hellenic Tourism Confederation (SETE/INSETE) montre que l’emploi touristique en Grèce a progressé de 4,8 % en 2024, atteignant 401 000 personnes, avec un pic à 451 400 au troisième trimestre — le plus haut jamais enregistré. GTP Headlines La promesse est d’un emploi moins dépendant du seul été, et donc d’une plus grande stabilité pour les travailleurs locaux.

Vers un tourisme toute l’année : quels bénéfices ?

Sur le terrain, l’ouverture de l’automne gagne du terrain : selon le site Greek Reporter, « la Grèce s’impose comme l’un des grands lieux du “coolcation” – vacances d’automne, hors fortes chaleurs – grâce à ses températures douces et son riche patrimoine ». Le « lis­ser les flux » ne concerne pas que l’agenda touristique : il touche les territoires, souvent concentrés sur les îles et quelques destinations phares. L’un des enjeux est d’éviter l’accumulation des visiteurs sur quelques semaines, avec les effets négatifs bien connus : saturation des infrastructures, montée des prix de l’immobilier, fatigue des habitants. Un article de Ekathimerini évoque cette mutation : « Il y a beaucoup de discussions sur la capacité d’accueil, l’extension de la saison touristique et la gestion des destinations ».

En misant sur la période « hors été », la Grèce donne un signal : encourager l’île ou le littoral à vivre au-delà des deux ou trois mois d’afflux. Avec un tourisme plus étalé, les territoires peuvent valoriser d’autres atouts : culture, patrimoine, montagne, randonnées, tourisme durable… Cela permet d’ouvrir l’horizon économique et d’investir dans des infrastructures plus pérennes (hébergement, transport, etc.). L’article du Greek Reporter note que « la Grèce est entrée dans une nouvelle phase favorisant la qualité plutôt que la quantité ».

Sur le plan économique, l’extension de la saison ouvre des marges nouvelles : des périodes d’ouverture plus longues pour les hôtels, la location à court terme, les activités de loisir, ce qui incite à des investissements. Selon un article du site Greek City Times, les locations de type « Airbnb » ont vu une demande augmenter de 4,3 % en septembre 2025 en Grèce, malgré une légère baisse du tarif moyen journalier. Cela suggère que l’hébergement « hors été » n’est plus seulement un relais, mais devient un atout stratégique.

Économie locale et investissements : saisir l’opportunité

Pour les pouvoirs publics et les acteurs locaux, cela implique aussi d’adapter l’offre : transport aérien ou ferries en septembre, infrastructures accessibles, musées et services ouverts, promotion ciblée, marketing adapté. Un changement de modèle en somme.

Tout n’est pas encore gagné. Au-delà de la demande, le terrain présente des freins. Le secteur de l’emploi reste fragilisé : malgré la hausse des emplois en 2024, la Grèce souffre toujours d’importants manques de main-d’œuvre, estimés à plus de 53 000 postes non pourvus ­ selon INSETE. Plus largement, selon le journal The Guardian, plus de 80 000 postes dans l’hôtellerie et la restauration restaient vacants à la veille de l’été 2025, alors que l’industrie représente un quart du PIB grec. Ce constat montre que stabiliser l’emploi toute l’année passe aussi par une amélioration des conditions de travail, du statut de l’emploi, et de la reconnaissance du métier.

Un autre frein est celui des infrastructures : prolonger la saison signifie que les destinations doivent absorber un afflux plus long, parfois quand elles étaient conçues pour un surcroît temporaire. Comme le soulignait Ekathimerini : « Attirer davantage de visiteurs exige des investissements en infrastructures pour augmenter la capacité d’accueil… mais cela peut aussi aggraver les déséquilibres. » Enfin, le tourisme hors-saison nécessite une promotion différente, des tarifs adaptés, et parfois une volonté de changement culturel dans les territoires dépendants du tourisme estival.

En définitive, la Grèce illustre un modèle prometteur : en cultivant la demande hors-saison, elle réinvente son tourisme, en le rendant plus fluide, plus durable et plus intégré dans les territoires. Pour la Méditerranée, où l’été concentre encore l’essentiel des flux, cette dynamique est un signal puissant : moins de pics écrasants, plus de stabilité économique, davantage d’emplois durables, et surtout, une meilleure répartition des bénéfices.
L’enjeu reste de réussir le passage de l’idée à l’action : fédérer les acteurs, adapter les infrastructures, valoriser les « mois » entre deux étés. Si la Grèce y parvient, elle offrira un exemple inspirant pour les autres rives méditerranéennes.

Photo: (DR)

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