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La France, sanctuaire discret des oligarques algériens en fuite

Alors que la France répète vouloir un partenariat « d’égal à égal » avec Alger, elle continue de protéger sur son sol les anciens prédateurs du système Bouteflika, riches de milliards détournés. Une contradiction criante, au moment même où l’Hexagone durcit son discours contre les sans-papiers algériens, rappelle le journal El Moudjahid, organe officiel de l’État, dans son édition du lundi 8 décembre.

Ils mènent une existence confortable dans les beaux quartiers de Paris, loin des tumultes politiques qui agitent l’Algérie. Pour nombre d’oligarques ayant prospéré à l’ombre du clan Bouteflika, la France est devenue un havre de paix. Certains y ont transféré des fortunes colossales, issues du détournement de fonds publics évalués à plusieurs milliards d’euros. D’autres y investissent tranquillement dans l’immobilier de luxe, quand ils ne financent pas, depuis leur exil doré, des entreprises de déstabilisation contre Alger.

Ce tableau pourrait choquer. Mais il ne provoque guère plus qu’un haussement d’épaules du côté français. Depuis 2020, la justice algérienne réclame l’extradition de ces « prédateurs en smoking » et la restitution de leurs biens mal acquis. En vain. Aucune demande ne trouve d’écho à Paris. Les dossiers, pourtant documentés, dorment dans les tiroirs. « Nous avons fourni toutes les pièces nécessaires », répète une source judiciaire algérienne, citée par El Moudjahid, rappelant que d’autres pays européens ont, eux, coopéré.

Le cas d’Abdeslam Bouchouareb, ancien ministre de l’Industrie et des mines de 2014 à 2017,  en fuite depuis 2019, est emblématique : condamné en Algérie pour corruption, transfert illégal de devises et abus de fonction, il vit paisiblement en France, propriétaire de plusieurs biens, sans craindre la moindre procédure d’extradition, souligne El Moudjahid. Paris a opposé un refus systématique aux requêtes d’Alger. Pire : en retour, la France transmet à son voisin une liste « d’Algériens expulsables » — des sans-papiers, souvent des travailleurs précaires, érigés en enjeu politique majeur dans le débat sur l’immigration.

La protection des escrocs, la rigueur contre les sans-papiers

Le contraste est saisissant. D’un côté, des oligarques dont les fortunes ont saigné des familles entières continuent de jouir d’une impunité totale. De l’autre, des migrants modestes subissent l’obsession sécuritaire d’un pays qui multiplie les discours martiaux pour plaire à une extrême droite triomphante. La machine administrative s’acharne contre les plus fragiles, mais se montre d’une remarquable indulgence envers les puissants en exil.

En Algérie, le président Abdelmadjid Tebboune a fait de la récupération de l’argent volé l’un de ses engagements phares. Mais les demandes adressées à Paris restent sans réponse. « Hésitations » de la justice française, « absence de coopération », « incompréhension » : les expressions reviennent, inlassablement, à chaque point presse du chef de l’État algérien.

En avril dernier, un frémissement semblait annoncer un changement. Jean-Noël Barrot, alors ministre français des Affaires étrangères, promettait de « réactiver l’ensemble des mécanismes de coopération » et évoquait explicitement les « commissions rogatoires dans le dossier sensible des biens mal acquis ». Une prise de position rare, qui laissait espérer une inflexion.

Mais rien n’a suivi. Pas un geste, pas un signal. La France demeure ce sanctuaire discret où les fugitifs de luxe mènent grand train, à l’abri des poursuites. Une situation intenable pour Alger, qui voit s’envoler les chances de récupérer des sommes colossales — autant d’investissements perdus pour un pays dont la population réclame justice et transparence.

Jusqu’à quand Paris continuera-t-elle de protéger ces hommes dont les noms incarnent, pour des millions d’Algériens, un immense détournement collectif ? Et comment justifier, dans le même temps, l’acharnement contre de simples sans-papiers, lorsque les véritables fraudeurs d’hier profitent en toute quiétude des largesses françaises?

 

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