Frappes sur l’Iran : la diversion de Netanyahou pendant que Gaza agonise
Par N.TPublié le
Dans la nuit du 12 au 13 juin, Israël a déclenché une série de frappes d’une rare intensité contre plusieurs sites militaires et nucléaires en Iran, ciblant notamment des installations sensibles à Téhéran, Natanz et Ispahan. Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a affirmé avoir « frappé au cœur » du programme balistique iranien, se félicitant d’une opération « couronnée de succès ». L’objectif affiché : enrayer une menace nucléaire imminente. Mais derrière cette rhétorique martiale se cache une mécanique bien plus complexe, où se mêlent enjeux géopolitiques, calculs intérieurs et pressions diplomatiques.
Officiellement, Washington nie toute implication directe. Le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, a insisté sur le fait que les États-Unis n’avaient « pas participé aux frappes », tout en appelant l’Iran à ne pas s’en prendre aux personnels ou intérêts américains. Donald Trump, sur Fox News, a lui-même reconnu avoir été informé des frappes à venir. En réalité, selon plusieurs analystes, il s’agit d’une opération étroitement coordonnée entre Tel-Aviv et Washington, destinée à faire pression sur Téhéran à la veille d’un nouveau cycle de négociations sur le nucléaire iranien, prévu à Mascate.
Téhéran riposte, la tension monte d’un cran
Ce timing n’a rien d’anodin : en pleine relance diplomatique, les États-Unis brandissent la menace militaire pour forcer la main à l’Iran. Il est difficile de ne pas y voir une stratégie concertée, où Israël joue le rôle de bras armé pendant que Washington garde les mains (apparemment) propres.
Quelques heures après les bombardements, l’Iran a lancé une centaine de drones en direction du territoire israélien. Si la plupart ont été interceptés, selon le général israélien Effi Defrin, la riposte iranienne pourrait ne pas s’arrêter là. La mort de figures majeures comme Hossein Salami, chef des Gardiens de la Révolution, et du général Bagheri, chef d’état-major, change la donne. Le guide suprême Ali Khamenei a promis une vengeance « sévère et regrettable », tandis que l’état d’urgence a été décrété en Israël.
La Jordanie, pays voisin, a été contrainte d’intercepter des drones et missiles pénétrant son espace aérien. Le conflit a franchi une nouvelle étape, et l’élargissement du théâtre d’opérations n’est plus une hypothèse lointaine.
Netanyahou joue sur plusieurs fronts
Au-delà de la menace nucléaire, ces frappes offrent à Benyamin Netanyahou une opportunité précieuse : détourner l’attention de deux crises explosives. D’abord, la situation catastrophique à Gaza, où les morts palestiniens s’accumulent, notamment autour des centres de distribution d’aide humanitaire devenus de véritables zones de mort. Ensuite, la crise politique intérieure : le gouvernement israélien est de plus en plus critiqué pour son incapacité à libérer les otages détenus par le Hamas. L’opération contre l’Iran vient redorer un blason terni, au moment où l’armée israélienne est de plus en plus perçue comme aveugle et destructrice, incapable de ramener la paix ou la sécurité.
Cette démonstration de force, qualifiée de « tournant » par le géopolitologue Frédéric Encel sur France Inter, révèle l’ambition d’Israël de prouver qu’il peut frapper n’importe où, y compris au cœur des centres névralgiques iraniens. Mais si la puissance militaire israélienne est écrasante, personne ne peut prédire l’ampleur de la riposte iranienne. L’Iran a promis que l’attaque « ne resterait pas sans réponse ». Et l’histoire montre que la stratégie de l’humiliation peut nourrir une contre-attaque asymétrique, inattendue, destructrice.
Contrairement aux certitudes exprimées sur les plateaux français – où certains experts annoncent déjà la fin prochaine du programme nucléaire iranien – l’incertitude est totale. Rien ne garantit qu’Israël parviendra à neutraliser tous les sites, et encore moins sans déclencher un embrasement régional.
Les limites de la stratégie américaine
Washington joue ici un jeu dangereux. Certes, les États-Unis souhaitent contenir l’Iran, mais ils ne veulent pas non plus d’une guerre régionale incontrôlable. Les bases américaines dans la région restent des cibles évidentes. Et un conflit ouvert ruinerait tout espoir de reprise des négociations. Il n’est pas certain que l’administration américaine laisse Netanyahou aller trop loin. L’escalade pourrait très vite échapper à tout contrôle, avec des conséquences désastreuses pour la stabilité du Proche-Orient.
Les jours qui viennent seront cruciaux. Soit l’Iran décide d’une riposte mesurée pour éviter l’enlisement, soit l’engrenage se poursuit, et le monde pourrait assister à l’ouverture d’un nouveau front majeur au Moyen-Orient. Ce qui est sûr, c’est que cette séquence marque une rupture, et que les effets de cette opération – diplomatiques, militaires, politiques – dépasseront de loin le seul terrain iranien.