Les journalistes dénoncent une mainmise d'Ennahda sur tous les médias... (DR)

Tunisie: levée de boucliers des journalistes contre la caporalisation de la presse et la chasse aux sorcières

Un vent de révolte souffle dans le monde de la presse tunisienne en réaction aux pratiques des islamistes au pouvoir qui organisent une mainmise sur tous les médias, exercent la censure et entretiennent une campagne de dénigrement des journalistes.

Sous prétexte de nettoyer la presse des restes de l’ancien régime, Ennahda installe ses hommes à la tête des grands médias et tente de soumettre les journalistes qui protestent et ne veulent pas rentrer dans les rangs.

Ennahda peine «à rompre avec les pratiques de l'ancien régime qui avait fait des medias publics des canaux de propagande et de manipulation», explique au journal Le Figaro Kamel Labidi, président de l'Instance nationale pour la réforme de l'information et de la communication (INRIC).

Selon lui, «le gouvernement, obnubilé par les prochaines élections (prévues en juin prochain), tourne le dos aux réformes et s'immisce dans les rédactions en s'appuyant sur des gens qui ont fait jadis leurs preuves en matière de docilité».

Ennahda s’est ainsi empressé de placer un fidèle à la tête de Dar Assabah, qui fut propriété de Sakher El Matri, gendre de l'ex-président Ben Ali, avant d'être saisie par l'État, et qui publie deux quotidiens: Assabah (arabophone) et Le Temps (francophone).

Ancien commissaire de police aux ordres d’Ennada…

Les journalistes de ces organes qui protestent contre la désignation d’un nouveau PDG, Lotfi Touati, ancien commissaire impliqué par le passé dans une affaire de corruption et qu’ils soupçonnent fort de «prendre ses ordres auprès du gouvernement», voient un jour la police débarquer pour disperser un sit-in en réaction aux pratiques du nouveau boss.

La télévision nationale, l’agence officielle TAP ainsi que le quotidien La Presse, le plus fort tirage francophone, sont désormais dirigés d’une main de fer par des «mercenaires», dénoncent-t-on.

Radio-Tunis International est placée sous l’autorité «d’un simple technicien», dit-on, très proche d’Ennahda. Après son installation, ce dernier a rayé des programmes "Chocolat chaud et Café noir", deux émissions matinales «qui rebondissaient sur l'actualité politique, sociale et culturelle, sur un tempo jugé un peu trop critique», explique Le Figaro. Les animatrices Najoua Zouhair et Nedia Haddaoui, ont été suspendues dans la foulée pour avoir contesté la mesure.

«Il est inadmissible qu'on réutilise des personnalités qui ont supervisé la censure et la désinformation sous Ben Ali», dénonce Kamel Labidi. Ce dont se défend le gouvernement qui affirme que l'objectif est de les «assainir (les médias) en écartant les symboles de l'ancien régime». Non sans reconnaître cependant, par la voix du chef de la diplomatie, la volonté de ne pas «laisser certains médias se transformer en tribunes d'opposition à l'action du gouvernement».