Le président de l'Observatoire National contre l'Islamophobie... (DR)

Abdallah Zekri : « Gare aux amalgames ! L’Islam radical est un fourre-tout, une tarte à la crème… »

Les notions «d’Islamophobie» et «d’Islam radical» sont couramment utilisées dans le contexte actuel marqué par des évènements qui placent l’Islam de France au centre de l’actualité. Président de l’Observatoire National contre l’Islamophobie, Abdallah Zekri, livre à mediaterranee.com son interprétation de ces commentaires. Il met en garde contre les amalgames et les raccourcis. Entretien.

Quel sens précis attribuez-vous au terme islamophobie ?

Abdallah Zekri: en quelques mots, à notre sens, l’islamophobie désigne clairement tous les actes qui portent atteinte aux musulmans et à la religion musulmane de façon générale. Il s’agit d’une triste réalité et non pas d’une simple vue de l’esprit. De tels actes sont actuellement en progression dans de nombreuses villes de France. Cela étant, le terme peut être effectivement galvaudé, utilisé à tort et à travers, mais de notre point de vue il renvoie précisément à une atteinte, à une agression, au même titre que les attaques en direction des citoyens de confession juive.

La dénonciation de l’Islam radical relève-t-elle de l’Islamophobie ?

Ma première réaction est de vous répondre non, bien entendu, mais j’estime aussi que tout dépend de la signification attribuée à cette expression "Islam radical". Qu’est-ce qu’un musulman radical ? Est-ce un barbu, un pratiquant rigoureux qui applique à la lettre tous les préceptes de l’Islam, un détenu qui demande un exemplaire du Coran ? Soyons clairs : de notre point de vue, on est radical par rapport à soi, à son comportement, à la façon de vivre et de pratiquer sa religion. Quant aux auteurs d’actes terroristes, ce sont tout simplement des terroristes. Le fait qu’ils se réclament de l’Islam n’autorise pas de lier leurs actes à la religion musulmane. Les auteurs d'actes criminels n'ont rien à voir avec l'Islam. Gare aux amalgames autour de cette notion d’Islam radical, devenue un raccourci, un fourre-tout, une grosse tarte à la crème. Comment ne pas remarquer que certains hommes politiques s'en servent comme un épouvantail et pour développer un discours stigmatisant ?

Manuel Walls, ministre de l’Intérieur, a souhaité ce matin (mercredi 17 octobre), sur les ondes de France Inter, que l’Islam de France fasse preuve de responsabilité, mette de l’ordre dans le traitement des grandes questions, la formation des imams, le financement étranger, la viande halal, le pèlerinage à la Mecque…. Quel est votre point de vue ?

Disons les choses comme elles sont: le CFCM (Conseil Français du Culte Musulman) a failli à sa mission pour des raisons de gouvernance, de bataille pour le pouvoir entre les différentes fédérations. Chacun veut être président pour être reçu à Matignon, à l’Elysée… Si malaise et désordre il y a, il ne peut venir que de là.
Les financements doivent être effectivement organisés, canalisés à travers des circuits clairs et transparents et aboutir à une structure unique, la Fondation des Œuvres Islamiques et non pas aller de façon désordonnée en direction d’associations chargées de construire ou de gérer des mosquées. J’avais pour ma part suggéré que des ambassades de pays arabes soient officiellement contactées ainsi que des entreprises françaises qui opèrent notamment dans les pays du Maghreb. Il y a eu beaucoup de promesses de dons, d'aides, mais sans plus. Le problème du financement reste entier pour le CFCM, sans solution claire.
Concernant la viande halal, la question est de savoir s’il faut élargir la gestion de la certification actuellement attribuée aux sites de Paris, Ivry et Lyon. Il faut en débattre.
Pour le pèlerinage enfin, l’objectif est de disposer d’une délégation à la Mecque pour assurer de bonnes conditions de séjour aux musulmans de France, éviter qu’ils soient la proie des marchands de sommeil et aussi veiller à ce qu’ils ne soient pas arnaquer par des agences de voyages qui abusent de leur confiance.

Quel message particulier souhaitez-vous transmettre aux musulmans de France dans le contexte actuel ?

Mon message est qu’il faut stopper les luttes intestines, les manœuvres mesquines, prendre conscience que la situation est grave, car les musulmans sont abusivement montrés du doigt, stigmatisés. J’ai reçu beaucoup de soutiens suite à ma récente plainte conte Jean-François Copé en réaction à ses déclarations portant atteinte aux Français musulmans et donc aux valeurs de la République.

Propos recueillis par N.T