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Reportage: les soirées d'Alger s'animent à nouveau

Des familles réunies chez les marchands de glaces et aux projections cinématographiques en plein air, des jeunes "branchés" qui écoutent de la musique dans les clubs : les algériens disent que le renforcement de la sécurité a permis le retour de la vie nocturne dans la capitale.

Les rues d'Alger ne sont plus vides la nuit. Encouragés par une situation sécuritaire renforcée, les habitants redécouvrent le plaisir de la vie nocturne. Les marchands de glaces, les parcs de loisirs, les plages et les clubs sont envahis de jeunes désireux de s'amuser et de familles en quête d'air frais.

Les soirées animées forment un contraste saisissant avec celles qui se figeaient par la crainte du terrorisme, durant les "années du couvre-feu".

Avec une réputation de "ville fantôme" il y a encore quelques années, et qui n'est dorénavant qu'un mauvais souvenir, Alger revit enfin. Les noctambules peuvent maintenant en toute quiétude savourer des soirées comme dans toutesles capitales.

Le changement d'ambiance ne se limite pas aux quartiers aisés. Le quartier populaire de Bab El Oued,forteresse islamique dans les années 90, a maintenant beaucoup changé. A dix heures du soir, des familles entières se dirigent vers El Kettani, une promenade côtoyant une plage populaire qui a été entièrement repensée. Alors que certains se contentent de profiter de l'air marin en dégustant une glace, les plus aventureux prennent des bains de nuit.

Sur une large terrasse qui surplombe la mer, à quelques pas de là, l'ambiance évoque un champ de foire. Les enfants font la queue pour profiter des attractions.

De telles scènes auraient été inimaginables il y a encore quelques années.

"Bab El Oued était considérée comme une zone de banditisme," dit Malika, qui habite le quartier depuis plus d'une quarantaine d'années. "Lorsque les attentats terroristes étaient fort nombreux, il était impensable de se baigner ici, à El Kettani. Personne n'aurait osé se soustraire au couvre-feu. Mais aujourd'hui, à notre grand soulagement, nous pouvons enfin prendre du plaisir. N'est-ce pas merveilleux de voir toutes ces familles sorties pour respirer l'air frais ?"

Nous nous sommes rendus à Didouche Mourad, une avenue centrale très animée. Tandis que la majorité des commerces sont fermés la nuit, les marchands de glaces et les pizzerias sont ouverts tard dans la nuit.


La "Fleur du Jour", l'un des plus anciens marchands de glace d'Alger, est envahi par les client. Il ne reste plus une chaise pour s'asseoir. Il faut maintenant attendre en espérant qu'une place se libère, ou acheter un cornet et partir le déguster dehors, le temps d'une promenade.

Les choses ont changé au-delà de tout ce que l'on peut constater, dit un vendeur qui travaille ici depuis des années.

"Je n'ai jamais vu autant de gens depuis au moins une décennie. Nous avions pris l'habitude certaines années de fermer à 19 heures, parce que personne ne s'aventurait dehors, mais comme vous pouvez les voir maintenant, les jeunes et leurs aînés sortent le soir, sans avoir à s'inquiéter", dit il à Magharebia.

Des femmes, des couples, des familles entières sortent flâner. Nombreux sont ceux qui se dirigent vers la place de la Poste, où un écran géant a été installé pour des projections cinématographiques organisées chaque soir. La foule est parfois si dense que les éclats de rire sont perceptibles à bonne distance.

A Sidi Yahia – un quartier à la mode de la capitale, dont les lumières au néon éclairent les nombreuses boutiques de marque - tout reste ouvert pendant la nuit. Des jeunes gens issus des familles aisées viennent y faire du shopping ou simplement pour y être aperçus.

Les salons de thé et les terrasses sont bondés. La clientèle se constitue en majorité de couples ou de groupe d'amis qui sont sortis pour prendre du bon temps.

"Je viens tous les soirs avec mes amis à Sidi Yahia," dit Nazim, habillé à la dernière mode. "Nous prenons un café ou nous mangeons une glace, nous draguons bien sûr les jolies filles. C'est l'été. Il faut en profiter le plus possible !"

Alors que certains restent en ville parce qu'ils n'ont pas les moyens d'aller ailleurs, les propriétaires de voiture s'aventurent hors de la capitale. Pour ceux qui quittent Alger pour s'offrir des moments de loisirs, Staoueli est la destination privilégiée.


La ville est devenue si populaire que de nombreuses rues se sont transformées en zones piétonnes, pour des raisons de sécurité publique. Les restaurants et les marchands de glace s'efforcent de se surpasser pour attirer la clientèle. Et avec des kebabs vendus partout dans les rues, chacun peut ici trouver son bonheur.

Les agents de police sont sur le qui-vive afin de s'assurer que rien ne viendra perturber la tranquilité des promeneurs, et ils savent intervenir rapidement lorsqu'ils sont sollicités, même pour les problèmes les plus insignifiants.

"J'adore venir ici. Je me sens vraiment en sécurité", dit Lamia, qui travaille dans une banque. "Je viens ici avec ma mère et mes enfants - le fait que les forces de police soient présentes me donne une grande tranquilité d'esprit. J'ai l'impression que je n'aurai pas à faire face aux ennuis auxquels une femme peut s'exposer habituellement lorsqu'elle est seule".

A plusieurs kilomètres de là, dans la ville portuaire de Sidi Fredj, l'ambiance est également plaisante. Les amoureux des plages y viennent flâner et admirer les magnifiques bateaux au mouillage. Ceux qui préfèrent danser toute la nuit se dirigent vers le petit théâtre romain de Casif dont la vie nocture est intense le week-end. Des chanteurs célèbres, comme Nawal Zoghby, se produisent souvent là-bas en concert.

Un peu plus loin, à l'ouest, La Madrague est restée fidèle à sa réputation de centre de loisirs drainant une clientèle issue de tous les milieux.

Dehors, on peut voir des gens déguster des boissons à petites gorgées, et fumer assis aux tables de la terrasse. La musique Rai baigne l'air, en fonction des demandes criées à plein poumons par la clientèle.

"Vous pouvez trouver tout et tout le monde ici, depuis le grand manager qui vient se détendre à l'intellectuel qui vient débattre de l'état actuel de la société. C'est un carrefour de personnalités intéressant", dit un visiteur régulier de l'endroit.

"C'est une image magnifique de tolérance !", ajoute-t-il.