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Le tourisme tunisien retrouve un nouveau souffle

La Tunisie renoue peu à peu avec les beaux jours du tourisme. Entre le 1er janvier et le 20 octobre 2025, le pays a accueilli plus de 21 000 visiteurs chinois, soit une hausse de 17,9 % sur un an, selon les chiffres communiqués par l’Office national du tourisme tunisien (ONTT). Une progression notable, mais encore en deçà des quelque 25 000 arrivées enregistrées en 2019, avant la pandémie.

Ce redémarrage, bien que partiel, illustre la lente remontée d’un secteur vital pour l’économie nationale. Le tourisme représente traditionnellement plus de 10 % du PIB tunisien, des centaines de milliers d’emplois directs et indirects, et un apport essentiel en devises. Après l’effondrement de 2020 (−9 % de croissance économique), le pays a retrouvé un peu de souffle — +4,3 % en 2021, +2,7 % en 2022 — avant de stagner en 2023, sur fond de crise sociale et de tensions politiques.

La Chine, un marché stratégique à reconquérir

Pour Mohamed Mehdi Hlaoui, directeur général de l’ONTT, la reprise des flux touristiques depuis la Chine constitue un signal encourageant. « Il faut renforcer la connectivité aérienne entre les deux pays », a-t-il déclaré à la radio Mosaïque FM, évoquant la perspective d’une ligne directe Tunis–Pékin dès 2026. La Chine représente en effet un marché à fort potentiel : ses touristes dépensent davantage que la moyenne mondiale et voyagent toute l’année, ce qui permet de lisser la saisonnalité des arrivées.

Au total, 9,05 millions de touristes ont visité la Tunisie à la date du 20 octobre 2025, soit +9,2 % par rapport à 2024. Les autorités espèrent atteindre 11 millions d’arrivées d’ici la fin de l’année, en misant sur la diversification des produits : tourisme culturel, écologique, sportif ou de bien-être. Le pays, longtemps centré sur le balnéaire, cherche à élargir son offre pour séduire de nouveaux publics.

Malgré ces bons chiffres, la relance reste fragile. Le chômage demeure élevé — 15,3 % au deuxième trimestre 2025, un taux qui grimpe à plus de 35 % chez les jeunes diplômés. L’inflation, stabilisée à 5 %, continue d’éroder le pouvoir d’achat, tandis que les inégalités territoriales persistent : le littoral, mieux équipé, concentre l’essentiel des investissements et des emplois, quand les régions de l’intérieur restent pauvres, enclavées et peu attractives.

Un climat politique sous tension

La reprise touristique profite donc surtout aux zones côtières — Hammamet, Sousse, Djerba ou Nabeul —, laissant à l’écart les régions de Kasserine, Gafsa ou Siliana. Les programmes de développement régional et de formation touristique peinent à compenser ce déséquilibre structurel.

Ce redémarrage économique s’inscrit dans un contexte politique tendu. Depuis qu’il a consolidé son pouvoir en 2021, le président Kaïs Saïed dirige le pays d’une main de fer. Suspension du Parlement, réécriture de la Constitution, concentration des pouvoirs : la Tunisie a tourné la page de la transition démocratique entamée après la révolution de 2011.

Ce durcissement autoritaire inquiète les partenaires internationaux et freine les investissements étrangers, indispensables à la modernisation du secteur touristique. Les incertitudes politiques, combinées aux tensions sociales et aux restrictions sur la liberté d’expression, entament la confiance des acteurs économiques.

Les professionnels du tourisme réclament une stratégie plus stable, des incitations fiscales et une meilleure promotion du pays à l’étranger. « La Tunisie doit redevenir un pays de confiance, accueillant et ouvert, sinon la croissance restera à court souffle », résume un opérateur hôtelier de Sousse.

Un pari régional : miser sur l’Algérie

Face à la lente reprise européenne et à la prudence des tour-opérateurs occidentaux, Tunis a renforcé ses liens avec ses voisins. Le rapprochement avec l’Algérie, scellé par une série d’accords bilatéraux, est devenu un levier stratégique.

En 2025, les arrivées de touristes algériens ont augmenté de 5 %, et celles en provenance de Libye ont bondi de 30 %. Ces flux régionaux, plus résilients, ont permis d’amortir le choc des crises successives. Les autorités misent désormais sur une coopération touristique maghrébine, articulée autour d’une mobilité accrue, de projets communs et de circuits transfrontaliers.

Si la Tunisie parvient à se repositionner comme une destination sûre et diversifiée, elle le doit à la ténacité de ses professionnels. Les campagnes de promotion ciblées, notamment en Asie et au Maghreb, commencent à porter leurs fruits. Mais les défis demeurent considérables : infrastructures vieillissantes, instabilité monétaire, bureaucratie étouffante et manque d’investissement privé.

Pour atteindre l’objectif ambitieux de 11 millions de visiteurs en 2025, il faudra plus qu’un rebond conjoncturel. L’amélioration de la qualité des services, la montée en gamme de l’offre et l’intégration des régions de l’intérieur seront déterminantes.

La Tunisie, berceau d’une culture millénaire, d’un littoral de 1 300 km et d’un patrimoine exceptionnel, reste un joyau méditerranéen. Mais pour que le tourisme redevienne un moteur durable de développement, le pays devra conjuguer ouverture économique, stabilité politique et justice sociale.

Entre espoir et incertitude, la reprise du tourisme tunisien illustre à la fois la résilience d’un secteur vital et les limites d’un modèle économique en quête de souffle nouveau.

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