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CNews mise en demeure par l’Arcom pour des séquences sur l’immigration et l’islam

L’Arcom a adressé une mise en demeure à CNews pour deux séquences diffusées en 2024, jugées susceptibles d’inciter à la discrimination en raison de propos tenus sur l’immigration et l’islam. Le régulateur rappelle à la chaîne ses obligations déontologiques, déjà plusieurs fois soulignées.

Le gendarme de l’audiovisuel a décidé de sévir. Dans une décision rendue publique ce mardi, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a mis en demeure la chaîne CNews pour deux séquences diffusées respectivement les 14 et 22 mai 2024. Ces passages, animés par des chroniqueurs réguliers de la chaîne, contenaient selon l’Arcom « des propos susceptibles d’encourager des comportements discriminatoires à l’égard de personnes en raison de leur origine ou de leur religion ».

Cette décision intervient après plusieurs signalements reçus par le régulateur. Dans la première séquence, consacrée à l’immigration, un intervenant assimilait de manière générale les migrants à une « menace sécuritaire et identitaire », sans que le présentateur ne rappelle les règles de modération ou n’apporte de contradiction. La seconde portait sur « l’emprise de l’islam dans la société française », où un chroniqueur affirmait que « l’islamisation du pays est un fait » et que « certains quartiers ne sont plus français ».

Une chaîne sous surveillance, au discours de plus en plus marqué

Pour l’Arcom, ces manquements traduisent « un défaut de maîtrise de l’antenne » et une méconnaissance du principe de pluralisme, pourtant inscrit dans les conventions des chaînes d’information. La mise en demeure, explique l’institution, vise à « rappeler à l’éditeur ses obligations, notamment en matière de respect de la dignité humaine et de prévention des discriminations ».

« Dans l’échelle des interventions de l’Arcom, la mise en demeure constitue un avertissement formel : elle précède les sanctions financières ou administratives en cas de récidive », précise le communiqué. En d’autres termes, la chaîne risque désormais une sanction pécuniaire si de nouveaux dérapages similaires venaient à se produire.

Mais au-delà de ces deux séquences, la mise en demeure s’inscrit dans un contexte plus large. Depuis plusieurs années, CNews est régulièrement accusée de dérive idéologique. Propriété du groupe Canal+ (lui-même détenu par Vivendi, le groupe de Vincent Bolloré), la chaîne assume désormais un positionnement à l’extrême droite de l’échiquier médiatique français. Ses émissions, comme *L’Heure des Pros* ou *Face à l’Info*, reposent sur des débats de salon interminables où s’enchaînent les mêmes chroniqueurs, se présentant comme des « experts » de l’actualité, mais tenant souvent des discours uniformes, alarmistes et stigmatisants.

Les propos à caractère raciste, islamophobe ou xénophobe ne sont pas rares sur les plateaux. De multiples séquences ont déjà valu à la chaîne des rappels à l’ordre, notamment après les interventions d’Éric Zemmour lorsqu’il en était chroniqueur régulier, ou celles de certains invités comparant l’immigration à une « invasion ». « CNews n’est plus une chaîne d’information, c’est une machine à fabriquer du consentement politique », estime un ancien cadre du groupe, sous couvert d’anonymat.

De nombreux observateurs notent par ailleurs que la ligne éditoriale de CNews s’intensifie à mesure que la France se rapproche de l’élection présidentielle de 2027. Les thématiques identitaires et sécuritaires y occupent une place centrale, souvent traitées de manière polémique. « Cette stratégie est calculée : elle vise à saturer l’espace médiatique de peurs et de colères, pour ouvrir un boulevard à l’extrême droite », analyse un politologue spécialiste des médias. Les émissions multiplient les angles sur « le déclin de la France », « le communautarisme », ou encore « les dangers de l’immigration », dans une boucle narrative constante.

Face à cette dérive, l’Arcom tente d’imposer un cadre légal, mais ses pouvoirs demeurent limités. Une mise en demeure n’entraîne pas de sanction immédiate, mais elle constitue une étape importante : en cas de récidive, le régulateur peut prononcer des amendes ou, dans les cas extrêmes, suspendre temporairement l’autorisation d’émettre. « L’Arcom veut visiblement rappeler que la liberté d’expression n’exonère pas les médias de leur responsabilité éditoriale », rappelle un professeur en droit des médias.

Pour l’heure, CNews a simplement « pris acte » de la décision, tout en défendant sa « liberté d’opinion ». Une réponse qui illustre la tension persistante entre la régulation publique et une chaîne devenue symbole d’une nouvelle ère médiatique, où la frontière entre information et militantisme tend à disparaître. Reste à voir si cette nouvelle alerte de l’Arcom marquera un tournant — ou si elle ne fera qu’alimenter, une fois encore, la mécanique médiatique de la provocation permanente.

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