Une barque de harraga quitte l'Algérie chaque jour !
418 embarcations de fortune ont été interceptées par les garde-côtes de l'ouest du pays. La loi punissant un harraga de 6 mois de prison ferme ne semble pas freiner cette jeunesse qui ne pense qu'à partir.
Harraga, traverser la Méditerranée pour l'eldorado européen dans l'espoir d'une vie meilleure, c'est une perception qui est dans la tête de bon nombre de nos concitoyens.
Depuis plus de deux années, le phénomène ne cesse de se propager. Malgré les risques encourus - mort, centre de rétention ou prison-, tous les jours de jeunes Algériens tentent l'aventure dangereuse de cette traversée de la Méditerranée dans des embarcations de fortune. En 2008, les brigades des garde-côtes de la façade maritime ouest, ont intercepté 418 tentatives d'embarcation, soit au moins, voire plus, une barque par jour en direction de l'Europe au large des côtes oranaises.
Un chiffre plus que préoccupant quand nous savons que l'épicentre du départ des harraga n'est pas Oran mais Annaba. Par conséquent, les chiffres non encore divulgués sur les côtes de l'est du pays seront plus importants que ceux de l'ouest. Outre les interceptions, les garde-côtes ont également dévoilé qu'ils avaient repêché 48 corps dans la mer, auxquels il faut ajouter une dizaine de disparitions.
En ce début de 2009, 17 personnes ont déjà été secourues par les brigades des gardecôtes. De même, 6 personnes sont mortes noyées et 4 autres ont disparu en mer. La jeunesse algérienne désire coûte que coûte quitter son pays, même au péril de sa vie.
Pour maître Benhamou, également député du FNA à Tlemcen, le phénomène des harragas prouve que la jeunesse ne trouve pas sa place dans son pays. « Ce problème de harragas est d'abord un problème internationale très mal géré. A l'échelle nationale, nous n'écoutons pas assez nos jeunes sur leurs attentes, sur ce qu'ils demandent et espèrent. Depuis un moment, je tire la sonnette d'alarme en exigeant des conférences pour comprendre les préoccupations de cette jeunesse et arriver enfin par le biais de mesures concrètes à la valoriser. Il faut convoquer des spécialistes comme des avocats, des psychiatres et des sociologues afin de trouver les solutions à redonner confiance aux jeunes et leurs prouver par des faits concrets que leur avenir est ici, en Algérie, et non dans le Vieux continent. Par ailleurs, je tiens à souligner que même le président de la République a reconnu ce problème en disant aux jeunes : « C'est vrai on ne s'occupe pas de vous ».
Un avis que partage une de ces consoeurs, l'avocate Fatima Benbraham, qui exige elle la mise en place d'une politique économique et sociale pour la jeunesse. « Nous devons prendre des mesures pratiques et non avancer des promesses. Sinon, les jeunes continueront à partir. Actuellement, nous vivons un phénomène sociale grave : notre jeunesse est en plein désarroi et il faut chercher les causes profondes. En réalité, elle tourne le dos sans faire de bruit à un pays qui leur a tourné le dos depuis longtemps et trouve un espoir dans l'eldorado européen », a-t-elle précisé.
"Criminaliser le harraga ne sert à rien"
Les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le fléau des harragas ne va pas dans ce sens. Me Benhamou dénonce la loi orchestrée par le ministre de la justice criminalisant les personnes quittant le territoire illégalement. Actuellement, ils risquent une peine de 6 mois de prison ferme pour avoir pris un bateau de fortune.
« Cette loi ne vise pas à faire entrer le jeune dans le système mais à le criminaliser et lui faire haïr davantage son pays qu'il ne porte déjà pas bien dans son coeur. Avec cette loi, nous ne faisons qu'aider et justifier la politique répressive actuel de l'Europe. Nous travaillons pour le nettoyage futur des émigrés européens. Pour faire en sorte que cette loi ne soit jamais appliquée sur le terrain, nous devons compter sur les juges pour qu'ils relaxent ces harraga et arrêtent de les condamner systématiquement. Ils n'ont pas commis de crime, ils ne volent pas et ne trafiquent pas de la drogue. Ils veulent juste partir pour changer de vie, vivre dans une autre société pour être mieux », explique le député.
Pour Fatima Bendraham, la loi est idiote car elle ne punit pas les bonnes personnes, c'est-à-dire les passeurs. « Les harraga qu'ont-ils fait de mal ? Ce n'est pas eux qui ont fait le terrorisme, qui ont détruit le pays ; ils n'ont pas commis de crime. Ils veulent juste avoir une vie meilleure. Comme, on ne délivre désormais plus de visa, ils ont trouvé un autre moyen, c'est tout», analyse-t-elle.
Les histoires de harragas qui arrive aux oreilles des ces avocats sont parfois poignantes, comme le raconte l'avocat : « Un jour j'ai vu un harraga qui est passé devant le juge pour avoir quitter le territoire. Ce jeune, dans son aventure s'était fait mangé le bras par un poisson. Je voulais faire une procédure pour qu'il obtienne des indemnités mais comme lors de son procès il avait utilisé un faux nom pour éviter des problèmes futurs, il ne pouvait pas les obtenir ».
Me Benhamou qui défend ces harraga au tribunal explique que c'est principalement des personnes qui ont un métier tel que commerçants policiers, parfois des étudiants, qui espèrent un meilleur statut ailleurs. La plupart de ces jeunes hommes - il y a même des demoiselles ont entre 18 et 35 ans. Cependant, bon nombre de ces prétendants, quotidien n'arriveront pas à leur quête après avoir dépensé 12 000 dinars pour la traversée.
Une grande majorité seront dans le meilleur des cas soit interceptés par les garde-côtes algériens ou arriveront dans un centre de rétentions ou dans les prisons marocaines, espagnoles et italienne ; d'autres seront morts de noyade ou dévorés par des poissons. Les jeunes algériens optent pour ces nouveaux proverbes : «mieux vaut être mangé par un poisson que rester ici ».