Afrique : la chasse aux enfants "sorciers" (UNICEF)
Un nombre alarmant d'exactions à l'encontre d'enfants accusés de sorcellerie dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale a été dévoilé par le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).
«Les multiples pressions économiques et sociales, y compris les conflits, la pauvreté, l'urbanisation et l'affaiblissement des communautés, ou encore le VIH/Sida sont autant de facteurs qui contribuent à l'augmentation récente du nombre d'accusations de sorcellerie à l'encontre des enfants », a déclaré le conseiller régional pour la protection des enfants de l'UNICEF pour l'Afrique de l'Ouest et du centre, Joachim Theis.
« Ces accusations sont partie intégrante de l'augmentation des abus, de la violence et de la négligence dont sont victimes les enfants et sont la manifestation de profonds problèmes de société.»
L'étude entreprise par le bureau régional de l'Afrique de l'Ouest et du centre de l'UNICEF recense les trajectoires et les témoignages d'enfants accusés de sorcellerie.
Ce sont donc les récits des enfants victimes qui témoignent de leur instrumentalisation parfois criminelle: un enfant raconte avoir accepté de tuer une personne en échange d'un morceau de mangue. Un autre dit avoir tué plusieurs personnes alors qu'il volait avec d'autres "sorcières".
Qu'elle soit physique ou psychologique, la violence qui frappe ces jeunes êtres est extrême. Ce phénomène prend de plus en plus d'ampleur dans les zones urbaines où les garçons sont les premières victimes.
Le rapport établi par le bureau régional de l'Afrique de l'Ouest et du centre de l'UNICEF dresse une liste de profils des enfants les plus exposés aux accusations de sorcellerie et aux abus et violences liés à ces accusations: ainsi être orphelin ou être élevé par un parent éloigné ou encore avoir un tempérament solitaire ou agressif, souffrir d'un handicap physique ou psychologique sont autant de facteurs de risque pour les enfants.
Lié à des pratiques culturelles traditionnelles, ce phénomène de violence vis-à-vis des enfants est aggravé par une montée en puissance des "pasteurs-prophètes" des Églises pentecôtistes dont certaines font un commerce des souffrances des enfants exposés aux pratiques d'exorcisme qu'elles encouragent.
« Même si les accusations de sorcellerie à l'encontre des enfants sont liées à des causes culturelles ou religieuses, la réponse à ces formes d'abus ne doit pas être différente des réponses que l'on peut apporter aux enfants victimes de violence et de négligence », a souligné Joachim Theis.
« Cette réponse fait partie intégrante d'un système global de réponse et de prévention et comprend la recherche de la compréhension du phénomène et de ses causes ; la protection et les soins aux enfants victimes d'abus ; un travail de sensibilisation, d'éducation et de mobilisation contre les abus à l'encontre des enfants, dans la population, parmi les professionnels et à l'intention des leaders politiques et religieux ; et un travail législatif couplé à une application effective de la loi ».
Aux pays touchés par ce fléau d'accusations de sorcelleries, l'UNICEF recommande d'adopter une série de réformes législatives pour établir une réelle protection juridique des enfants ainsi que leur accès à des services sociaux.