Tunisie: libération du journaliste Slim Boukhdhir
Le journaliste tunisien Slim Boukhdhir a été libéré lundi, après avoir purgé sept mois d'une peine d'un an. Nombre d'observateurs pensent que l'arrestation et la condamnation de Boukhdhir faisaient suite à ses critiques envers le gouvernement tunisien.
Prenant une initiative qui a surpris la presse tunisienne, les autorités ont décidé de relâcher le journaliste Slim Boukhdhir lundi 21 juillet, après sept mois passés dans une prison de Sfax.
Journaliste indépendant et correspondant régulier pour le quotidien al-Quds al-Arabi basé à Londres, Boukhdhir avait été condamné à un an de prison pour un an pour "insulte à un fonctionnaire" et "atteinte à l'ordre public", des accusations que ses avocats et plusieurs organisations de défense des Droits de l'Homme jugent fabriquées de toutes pièces en réponse aux sévères critiques de ce journaliste envers les autorités.
Cette libération intervient à quelques jours seulement de la célébration de la Journée de la République, le 25 juillet, une occasion que le Président met traditionnellement à profit pour gracier des prisonniers ou réduire leurs peines.
Boukhdhir a déclaré à Magharebia que sa libération n'est "pas une victoire personnelle, mais la victoire de tous les partisans de la liberté".
"J'espère avoir été le dernier journaliste emprisonné en Tunisie", a-t-il déclaré.
Boukhdhir est bien décidé à ne pas modifier son style journalistique, "parce que je me respecte et respecte ma profession, qui exige professionnalisme, précision... et courage".
Le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) avait apporté son soutien à Boukhdhir dans cette affaire, et demandé sa libération vendredi dernier.
Lors de la réunion des instances dirigeantes de ce syndicat, la semaine dernière, son président, Lotfi Hajji, avait déclaré qu'après avoir purgé sept mois de sa peine, Boukhdhir "mérite une libération conditionnelle et les autorités doivent tenir compte de son état de santé et de la situation délicate de sa famille, dans la mesure où il est le seul à subvenir aux besoins."
Neji Bghouri, secrétaire général du SNJT, a déclaré que cette libération est due en partie aux nombreux appels lancés par son syndicat au gouvernement. Dans un communiqué publié mardi, le SNJT affirmait que la libération de Boukhdhir était l'une de ses exigences centrales dans un rapport publié le 3 mai sur la liberté de la presse dans le pays.
"Le bureau exécutif espère que cette mesure sera suivie d'autres répondant aux revendications légitimes du SNJT", conclut ce rapport.
Depuis New York, le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ) a publié un communiqué dans lequel il exprime sa joie à l'annonce de la libération de Boukhdhir.
Une délégation du CPJ s'était rendue en visite en Tunisie le mois dernier pour y évaluer la situation actuelle de la presse et de la liberté dans ce pays du Maghreb.
"Nous nous félicitons de cette libération et sommes soulagés que notre collègue ait enfin retrouvé la liberté", a déclaré le coordinateur du programme pour le Moyen Orient du CPJ, Joel Campagna.
"Mais la triste réalité est que Slim Boukhdhir n'aurait jamais dû être emprisonné. Sa mise en détention injuste souligne l'état assez troublé de la liberté des médias en Tunisie. Nous espérons qu'avec la libération de Boukhdhir, les autorités tunisiennes mettront un terme à la pratique consistant à placer les journalistes derrière les barreaux et se débarrasseront de la fâcheuse distinction du plus grand emprisonneur de journalistes dans le monde arabe durant ces sept dernières années."
Affirmant que la place de Boukhdhir "n'est pas en prison", Reporters Sans Frontières (RSF) avait publié un communiqué depuis Paris dans lequel l'ONG appellent les autorités tunisiennes à "arrêter de harceler les journalistes indépendants et leurs familles, à ouvrir les médias et à lever les restrictions frappant les sites web".
Mohamed Ennouri, président de l'association Liberté et Equité, a exprimé la joie de son groupe "après la libération d'une plume libre et de l'un des membres fondateurs de l'association Liberté et Equité, le journaliste Slim Boukhdhir".
"Nous souhaiterions féliciter sa famille pour cette excellente nouvelle, a déclaré M. Ennouri, et nous lui souhaitons un prompt rétablissement après les difficiles conditions de sa détention."