Balade urbaine en hommage à Raymond Dugrand, au coeur de Montpellier.

Montpellier vers la mer : le pari réussi d’un visionnaire, Raymond Dugrand

Raymond Dugrand, récemment disparu, est bien digne de l’hommage qui lui a été rendu ce samedi 18 mars 2017 par Michaël Delafosse. Ce dernier fut son ancien étudiant et son successeur à la mairie de Montpellier, sous la férule d’Hélène Mandroux.

Une cinquantaine de personnes, au nombre desquelles figurent Fanny Dombre Coste (députée de la 3ème circonscription), Yves Jarousse, Hélène Mandroux, (laquelle aura donné le nom Raymond Dugrand à l'Avenue de la Mer, de Port Marianne à Carnon), sont de « l’épopée ».
 

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Au Moyen-Âge, Montpellier est déjà une cité maritime et cosmopolite, peuplée de migrants venus de toute l'Europe. Elle est située sur le chemin de Saint Jacques-de-Compostelle. Jacques Cœur crée le port de Lattes, des navires accostent même au quai Juvénal. La Rue de la Loge tient son nom du quartier de marchands et d’entrepôts. Le nouveau projet urbain consiste donc à renouer avec la Méditerranée, à susciter une « Renaissance » de la ville de Montpellier.

«  Montpellier vers la mer »
 

Raymond Dugrand : un grand homme. Docteur ès Lettres, ancien Résistant, agrégé de géographie, professeur à l'Université Paul-Valéry de Montpellier, adjoint chargé de l'urbanisme sous Georges Frêche. Il prend le parti du développement de la ville vers le Sud, pour mettre le cap sur la mer Méditerranée, via le Lez. Dès 1981, les travaux commencent sur les anciens terrains de l’armée, le projet est rendu possible grâce à la décentralisation, à la faveur des lois Defferre après l’élection de François Mitterrand.

« Changer la ville pour changer la vie »

Pour être les artisans du rayonnement de Montpellier, pour en finir avec le « tout voiture » des années 70, Georges Frêche et Raymond Dugrand optent pour l'architecte catalan Ricardo Bofill, ancien prisonnier sous Franco.

Le Polygone : « Un barrage contre la Méditerranée » 

La Citadelle, la voie de chemin de fer et le Centre commercial du Polygone enserrent l’Écusson, bloquent l’extension de la ville vers l’est et vers le sud. C’est au maire François Delmas que l’on doit la construction du pôle commercial du centre ville, structure très critiquée par Raymond Dugrand, alors  géographe à l’Université Paul-Valéry.

Antigone

« Antigone, contre Polygone, c’est un peu facile, un peu provocateur », s’amuse Michaël Delafosse. Antigone est une des filles d’Œdipe, roi de Thèbes et de Jocaste. Ce toponyme est un clin d’oeil de l’helléniste que fut Georges Frêche. Ce nouveau quartier  a été édifié dans un style néo-classique, a été constellé de noms de places et de copies de statues de la Grèce Antique. Antigone symbolise donc paradoxalement une nouvelle ère de modernité.

Ricardo Bofill esquisse une femme « verte, socialiste, monumentale, méditerranéenne, un quartier organique, une idée puissante à la recherche d’une nouvelle identité utilisant une épine dorsale de soutien de l’ensemble », en recourant à la divine proportion de la règle du nombre d'or. De 1981 jusqu’en 2000, la construction s’opère comme un jeu de legos : les blocs, préfabriqués, moulés, sont assez rapidement assemblés. Pour des raisons économiques, la partie sud est composée de bâtiments plus modestes, avec moins de frontons.

Logements sociaux et appartements de standing font d’Antigone un quartier de mixité sociale. L’absence de balcons favorise le vivre ensemble sur les places du Nombre d’Or, du Millénaire, de Thessalie et sur l’axe médian. Cette vaste allée piétonnière de neuf cents mètres s’étend du Polygone jusqu’à l’Esplanade de l’Europe, magnifiée par deux grands immeubles en arc de cercle, une vaste pelouse pentue et la copie de la Victoire de Samothrace, face à l’Hôtel de Région. Désormais, l’animation va crescendo : en témoignent les nombreux restaurants et les manifestations culturelles ou sportives.

« La carte et le territoire »
Raymond Dugrand souhaite que la ville cosmopolite soit un patchwork. Plusieurs architectes posent leurs griffes sur la cité, en direction de la mer, le long du fleuve. Deux opérations sont planifiées : Rives du Lez et Richter.
La continuité de l’entreprise architecturale est confiée à de grands noms : François Fontès, Massimiliano Fuksas, Rob Krier, Emmanuel Nebout, Jean Nouvel, Christian de Portzamparc, Jean-Michel Wilmotte…

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Michaël Delafosse a une idée qui ne coûtera pas un sou au contribuable : renouer avec les « Folies » montpelliéraines du XVIIIe siècle afin d’assurer le rayonnement de Montpellier, cher à Georges Frêche et à Raymond Dugrand. La noblesse de robe ainsi que les grands bourgeois font bâtir d’élégantes demeures : le Domaine de Méric, le Château de Flaugergues, le Domaine Bonnier de la Mosson, le Château d’Ô, le Château de la Mogère de Monsieur de Colbert, descendant direct du ministre des Finances de Louis XIV…


Il faut faire des gestes architecturaux : construire douze « Folies » contemporaines. Pour l’édification de la plus symbolique d’entre elles, celle de l’historique Pont Juvénal, un concours est lancé à tous les architectes du monde. Le lauréat japonais Sou Fujimoto, après avoir exploré la ville, y voit des platanes, d’où l’idée de « L’Arbre blanc »
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« L’Arbre blanc »

Erigée à proximité de la Faculté de Sciences Économiques de Richter, la tour immaculée de dix-sept étages est un défi au ciel, un défi à la mer. Elle abritera cent dix appartements aux larges terrasses : des bureaux, un restaurant, des excroissances telles des branches. Nec plus ultra, l’un des promoteurs ( Groupe Promeo ), Gilbert Ganivenq, le plus grand collectionneur de la Région Languedoc-Roussillon, réservera un espace d’Art au1er étage. Au sommet, plus haut que l'Hôtel de Région voisin, depuis un bar panoramique, « L’Arbre blanc » permettra surtout de dominer la mer, le Pic Saint-Loup, la ville et le Lez.

 

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Deux des douze « Folies » architecturales du XXIe siècle initialement prévues sont retenues : « L’Arbre blanc » et « La Folie divine ».

Le pari réussi de Raymond Dugrand

Auparavant, les Montpelliérains ne venaient pas aux bords d’un Lez capricieux qu’ils redoutaient. Aujourd’hui, la ville, ouverte à ces principes urbains nouveaux de citoyenneté et d’urbanisme initiés par Raymond Dugrand, rend Montpellier et le Lez aux Montpelliérains, implante les récents campus universitaires dans la cité.

L’aménagement génère un espace unique de la vie pour tous, un autre rapport à la nature. Des personnes de milieux différents se retrouvent, se promènent, font du sport en bordure du Lez dont le risque d’inondation a été maîtrisé. « Lorsque le Lez déborde, les gens s’affolent à tort : c’est normal, tout a été prévu. », ironise Michaël Delafosse.

 Au terme des zones d’artisanat et de commerce ( ZAC) « République » et « Rive Gauche », l’extension de la ville aura atteint sa limite communale. Citoyenneté, urbanisme, rapprochement vers la mer participent du nouveau Montpellier radieux. Le pari visionnaire de Raymond Dugrand, avec la complicité de Georges Frêche, relayé par l’équipe municipale d’Hélène Mandroux, brille par sa réussite éclatante.

Pour aller plus loin, retrouvez toutes les photos de la balade "Montpellier vers la mer" !