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France : viol sous uniforme, quand la police franchit la ligne de l’horreur

Deux policiers ont été placés en garde à vue à la fin octobre, soupçonnés d’avoir violé une jeune femme de 26 ans au dépôt du tribunal de Bobigny, un lieu de détention censé garantir la sécurité et la dignité des personnes.

Les deux hommes ont reconnu des relations sexuelles, mais affirment qu’elles étaient consenties. Une version difficilement soutenable au regard du contexte : une cellule, un lieu clos, deux fonctionnaires en position d’autorité, et, détail glaçant, une scène filmée par l’un des suspects.

L’affaire, confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), met à nu une réalité que les responsables politiques et syndicaux s’obstinent à maquiller : derrière les discours sur le « sacrifice » des forces de l’ordre, se cachent aussi des comportements de domination, de brutalité et d’impunité, régulièrement couverts par la hiérarchie.

Cette fois pourtant, la défense corporatiste semble vaciller. Les deux policiers ont été suspendus, une mesure rarissime prise aussi vite. Mais déjà, certains syndicats murmurent que « l’acte était consenti ». On croit rêver. Consentir, lorsqu’on est enfermée, surveillée, privée de liberté ? Comment oser parler de consentement dans un rapport de force aussi absolu ?

Nier, minimiser, détourner

Ces prises de position, souvent relayées par des organisations proches de l’extrême droite, révèlent une logique profondément dévoyée : défendre l’uniforme coûte que coûte, même quand il se couvre d’infamie. Comme à chaque épisode de violence policière, le réflexe est le même : nier, minimiser, détourner. Cette fois, il ne s’agit plus d’un coup de matraque ou d’un tir de LBD, mais d’un viol présumé, commis dans un lieu d’enfermement. Et pourtant, le mécanisme de protection institutionnelle se met en marche, avec sa cohorte d’excuses absurdes et de communiqués creux.

Le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez a promis de « faire toute la lumière ». Une formule devenue réflexe, tant elle masque mal l’impuissance – ou le refus – de s’attaquer à la racine du problème : une culture policière gangrenée par le sexisme, la virilité toxique et le sentiment d’impunité. Car ce drame n’est pas un accident isolé : il s’inscrit dans une longue série de dérapages violents, d’agressions, de humiliations, souvent couvertes par le silence institutionnel.

Garder la trace d’un trophée

Ce qui s’est joué à Bobigny, c’est la transgression absolue : deux agents censés garantir la loi auraient transformé un espace de justice en lieu de domination sexuelle. Et l’un d’eux aurait filmé la scène, comme s’il voulait garder la trace d’un trophée. Ce geste témoigne d’une perversité qui dépasse le cadre de la faute professionnelle : il dit une jouissance du pouvoir, une déshumanisation totale de la personne détenue.

Cette affaire interroge crûment le système de recrutement et de formation des forces de l’ordre. Comment peut-on confier la surveillance de personnes vulnérables à des individus capables de tels actes ? Quelles valeurs leur inculque-t-on ? On répète à l’envi que la police protège. Mais qui protège-t-elle, et contre qui ? Quand les gardiens deviennent les agresseurs, c’est tout le pacte républicain qui se fissure.

Dans ce contexte, le silence assourdissant des responsables politiques qui, d’ordinaire, volent au secours des syndicats policiers, est révélateur. Où sont passés les défenseurs de « nos forces de l’ordre » ? Les mêmes qui, après chaque affaire de violences, invoquent la « présomption d’innocence » pour mieux disqualifier les victimes ? Ils se taisent, ou se réfugient derrière la prudence judiciaire.

La dépossession de son corps dans un lieu de détention

Mais il ne suffit plus de promettre des enquêtes internes. L’IGPN ne peut pas être à la fois juge et partie. Une institution chargée de se contrôler elle-même ne garantit ni la transparence ni la justice. Il est temps de rompre avec cette culture du mur bleu, ce réflexe d’entre-soi qui étouffe toute vérité gênante.

Au-delà de ce fait divers d’une violence inouïe, c’est la crédibilité même de la police qui est en jeu. Une police qui laisse proliférer en son sein des comportements de prédateurs, tout en se présentant comme rempart de la République, perd tout droit à réclamer la confiance des citoyens.

La jeune femme de Bobigny, si ses accusations sont avérées, aura subi le pire : la dépossession de son corps, de sa dignité, de son droit à la sécurité, dans un lieu censé la garantir. Son calvaire rappelle que la police française, trop souvent, ne se réforme qu’à coups de scandales. Tant qu’on continuera à couvrir ses dérives au nom de la « solidarité entre collègues », d’autres drames surgiront, d’autres victimes se tairont.

Photo: (DR): Tribunal de Bobigny

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