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Eurovision 2026. L’impunité en scène : pourquoi la participation d’Israël fracture le monde culturel

La décision de l’Union européenne de radio-télévision (UER/EBU) d’autoriser Israël à concourir à l’Eurovision 2026 a provoqué une onde de choc. Plusieurs pays ont déjà annoncé leur retrait, dénonçant l’impossibilité morale de célébrer la musique alors que la guerre à Gaza et les violences en Cisjordanie se poursuivent. Une fracture politique et éthique qui marque profondément l’image d’un concours censé unir, et qui s’annonce, cette année, sous le signe de la contestation.

La scène musicale européenne espérait sans doute éviter ce débat. Mais en choisissant d’ouvrir la voie à la participation d’Israël, l’UER a déclenché une crise dont l’Eurovision ne sortira pas indemne. Réunis début décembre, les membres de l’organisation ont voté pour une série de modifications du règlement, officiellement destinées à « renforcer la confiance et la transparence ». Dans les faits, ces ajustements ont surtout permis de déclarer «éligibles» tous les diffuseurs souhaitant concourir, Israël compris. Une manière de contourner la question politique sans jamais la poser frontalement.

La réaction ne s’est pas fait attendre. L’Espagne, l’Irlande, les Pays-Bas et la Slovénie ont annoncé leur boycott immédiat. Pour ces pays, l’incongruité est trop grande : comment participer à un événement festif quand des milliers de civils ont été tués à Gaza, quand les opérations militaires se poursuivent, et quand les assassinats de Palestiniens se multiplient en Cisjordanie occupée ? L’argument est clair : maintenir la normalité culturelle face à l’exception politique et humanitaire reviendrait à fermer les yeux. À accepter que le divertissement couvre, par son éclat, une tragédie toujours en cours.

Les chaînes publiques qui se retirent parlent de morale, de cohérence, de responsabilité culturelle. Elles soulignent que l’Eurovision, loin d’être un espace neutre, véhicule une image, un symbole, une forme de reconnaissance internationale. Y accueillir un État accusé de crimes de guerre, c’est produire un geste culturel lourd de sens. C’est banaliser l’impunité.

Un concours qui ne peut plus prétendre à la neutralité

À l’inverse, d’autres pays, dont la France et l’Allemagne, se sont empressés de confirmer leur participation. Officiellement, pour ne pas mêler culture et politique. Mais cet argument, répété à l’envi, sonne creux pour une grande partie de l’opinion publique. Car ce refus de « politiser » un concours déjà profondément politique revient, de fait, à cautionner la situation actuelle. En prétendant défendre la neutralité, Paris et Berlin avalisent une impunité qui ne dit pas son nom. Et renvoient à la marge ceux qui rappellent que la culture n’est pas un refuge hors du monde, mais un miroir de ses violences et de ses contradictions.

Cette fracture européenne révèle un malaise : l’idée qu’un concours multinational puisse rester indemne des réalités géopolitiques est devenue une fiction. L’Eurovision 2026, qui se tiendra à Vienne, portera la trace d’un crime qui la précède et la dépasse. Marquée par les boycotts, fragilisée par les débats internes, elle s'ouvrira avec des absences lourdes de sens, des chaises vides qui diront autant que les chansons.

Les pays qui se retirent affirment qu’une participation reviendrait à normaliser l’inacceptable. D’autres suivront probablement, tant la pression publique s’accroît et tant le décalage entre la fête musicale et la réalité du Proche-Orient devient intenable. Pour beaucoup, la question n’est plus de savoir si l’Eurovision doit contenir la politique, mais pourquoi elle persiste à l’ignorer quand la souffrance dépasse l’entendement.

Dans cette édition déjà polémique, une certitude : l’Eurovision ne sera plus jamais le sanctuaire léger qu’il prétendait être. En laissant monter sur scène un pays en pleine guerre, l’UER a fait un choix. Le monde culturel, lui, en fait un autre. Au milieu, les spectateurs — et la mémoire des victimes — rappellent que certains silences ont la lourdeur du consentement.

 

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