Avec une posture hostile à l’islam politique et une rhétorique impeccable, Abir Moussi a su se faire frayer un chemin dans le jeu politique du pays (PHOTO : DR)

Tunisie : qui est Abir Moussi, la principale opposante à Kais Saied ?

Et si le renouveau politique tunisien se faisait par l’intermédiaire de Abir Moussi ?

Dans un pays encore imprégné par un islam politique, Abir Moussi, militante controversée aux premières heures de la révolution du jasmin, incarne aujourd'hui une alternative crédible au pouvoir de Kais Saied. Avocate et ancienne membre du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti du dictateur déchu Zine El-Abidine Ben Ali, Abir Moussi a su regagner la confiance d’une frange du peuple tunisien.
Aujourd’hui députée et présidente du Parti Destourien Libre (PDL), elle est considérée à 46 ans comme une farouche opposante au président Kaïs Saied qu'elle accuse de vouloir monopoliser le pouvoir. Il faut dire que nombreuses sont les personnes qui pensent que le régime d’exception instauré fin juillet par le chef de l’État fut un dépassement grave de la constitution tunisienne. Rappelons que cet État d'exception a gelé le parlement et donné les pleins pouvoirs au président Saied. À l’aune des élections législatives prévues en cette année, le partie d'Abir Moussi occupe la première place des sondages avec plus de 36 % des intentions de vote.

Une politique de communication efficace

Avec une posture hostile à l’islam politique et une rhétorique impeccable, Abir Moussi a su se faire frayer un chemin dans le jeu politique du pays. Elle arrive aujourd'hui à avoir le soutien des nostalgiques du RCD de Ben Ali et des opposants du parti au pouvoir de mouvance islamiste, Ennahda. Ce dernier est généralement tenu responsable de la crise politique et économique que traverse actuellement Tunis la Tunisie.
Depuis plusieurs mois, l’avocate interpelle aussi les indécis. Ces entre-deux perplexes sur l’avenir du pays voient en Abir Moussi une excellente alternative pour amorcer un renouveau. En effet, c’est à travers ses interventions parlementaires mémorables, pour contester l'instauration de l’état d’exception, qu'elle a conquis les cœurs des Tunisiens. Plusieurs fois agressée par des ultraconservateurs, elle jouit d’une crédibilité politique dont peu de députés peuvent se targuer.
Cultivant une image de "seule contre tous", et de résistante à la doxa islamiste, elle parvient aussi à s’attirer les faveurs d’un électorat féminin sensible à son discours défendant « les acquis de la femme tunisienne ».

On lui reproche son autoritarisme

Saprincipale faiblesse est son programme économique quasi inexistant. Surfant sur la fibre émotionnelle de la société, son programme de relance économique demeure flou. Même si elle propose de promouvoir l’entrepreneuriat, les partenariats public-privé et le redécoupage du territoire pour parvenir à développer la Tunisie de l’intérieur, les détails techniques de ces objectifs sont encore inconnus.
D’autres opposants lui reprochent son entêtement à nier le processus révolutionnaire post Ben Ali et les tortures sous Bourguiba dont elle se revendique. Cet entêtement s’apparente pour certains à un « culte de la personnalité ». Laissant rarement la parole aux autres membres de son parti, elle est connue pour sa poigne dans la gestion de ses équipes. Néanmoins, elle réfute ces allégations estimant pour sa part être ouverte aux autres et qu'elle est prête à dialoguer avec les forces « progressistes », qui vont de la gauche au centre.
Si Abir Moussi traine toujours l’image d'un reliquat politique de l’ère Ben Ali, les déceptions qu’a connues le peuple tunisien après le printemps arabe peuvent le pousser à voir en Abir Moussi, un compromis entre la stabilité économique sous Ben Ali et le renouveau démocratique tant espéré.