À Marseille, deux agentes du tribunal mises en examen : une brèche dans le secret judiciaire
Selon des informations révélées par Le Monde le 9 décembre 2025, deux jeunes agentes administratives du tribunal judiciaire de Marseille ont été mises en examen le vendredi 5 décembre pour consultation illégale de fichiers. L’une d’elles aurait monnayé des données sensibles à un interlocuteur proche de la DZ Mafia, tandis que l’autre n’aurait procédé qu’à des consultations occasionnelles. L’affaire, dont les faits se sont déroulés à Marseille, interroge en profondeur la sécurité des accès internes et les capacités de contrôle des institutions judiciaires.
L’onde de choc provoquée par les révélations du Monde n’a pas tardé à se propager au sein du tribunal judiciaire de Marseille. Deux agentes administratives, jeunes recrues affectées à un service civil du tribunal, ont été mises en examen le 5 décembre à l’issue d’investigations discrètement menées par la police judiciaire. Les soupçons portent sur des consultations irrégulières de fichiers internes. Pour l’une, les accès illégitimes sembleraient avoir été ponctuels; pour l’autre, ils seraient beaucoup plus importants, réguliers et surtout rémunérés par un interlocuteur se revendiquant proche de la DZ Mafia.
Les éléments rassemblés par les enquêteurs montrent que la seconde agente aurait transmis des données protégées en échange de contreparties financières. Les informations concernées portent sur des mis en cause, l’état d’avancement de procédures ou encore le calendrier d’auditions. Des données dont la sensibilité, dans un contexte marseillais fortement exposé aux actions du crime organisé, aurait pu compromettre plusieurs enquêtes. Si aucune atteinte avérée à l'intégrité d’une procédure n’est pour l’instant confirmée, la potentialité elle-même suffit à alerter magistrats, greffiers et personnels administratifs.
Le parquet de Marseille, qui a confirmé l’ouverture d’une information judiciaire, souligne la gravité des faits : violation du secret professionnel et détournement des accès aux bases judiciaires. Les deux agentes ont été suspendues de leurs fonctions. La principale mise en cause reconnaît toutefois avoir été « sollicitée » et avoir cédé à la tentation d’un arrangement financier dont les montants restent à déterminer. La seconde évoque, quant à elle, des consultations « maladroites » ou réalisées par « curiosité ».
Une faille qui relance le débat sur la sécurité des bases judiciaires
Au-delà des faits individuels, l’affaire met crûment en lumière une fragilité structurelle : la protection des accès aux fichiers sensibles au sein des juridictions françaises. Si les systèmes tels que Cassiopée, le TAJ ou les outils internes du ministère bénéficient de protocoles d’habilitation stricts, la réalité opérationnelle repose encore en grande partie sur l’autodiscipline des agents et sur des contrôles a posteriori. Les alertes automatiques en cas de consultation atypique restent insuffisantes, et les juridictions les plus sollicitées, comme Marseille, peinent à maintenir une surveillance fine faute de moyens dédiés.
Magistrats et personnels expérimentés le reconnaissent : la tentation d’une instrumentalisation des fonctions administratives existe partout, mais elle est particulièrement aiguë dans les territoires exposés aux réseaux criminels. Les services de la police judiciaire, qui travaillent déjà sur d’autres soupçons de fuites de données dans le Sud-Est, estiment que la cyber-ingérence du crime organisé constitue désormais un axe central de leurs préoccupations. Plusieurs syndicats de greffe et de magistrature réclament d'ailleurs une réforme nationale des dispositifs d’audit, une traçabilité renforcée et un investissement spécifique dans la formation au risque de corruption.
Face à l’ampleur des interrogations, le ministère de la Justice a demandé un diagnostic rapide des pratiques d’accès dans les juridictions les plus sensibles. À Marseille, la direction du tribunal a annoncé la mise en place d’un audit interne et d’un rappel des règles d’habilitation à l’ensemble des agents. Reste que ces mesures d’urgence ne suffiront probablement pas à rassurer une institution fragilisée. Pour nombre d’acteurs du monde judiciaire, le problème ne relève pas seulement de la sécurité informatique, mais d’un modèle organisationnel qui expose des personnels précaires et jeunes à des pressions ou à des influences extérieures qu’ils sont mal préparés à affronter.