France : Sébastien Lecornu échappe à la censure grâce à un compromis avec les socialistes
Le gouvernement de Sébastien Lecornu a évité, mardi 14 octobre, une motion de censure qui aurait pu lui être fatale. À l’issue de la déclaration de politique générale du Premier ministre, les socialistes ont choisi de ne pas s’associer aux initiatives de La France insoumise (LFI) et du Rassemblement national (RN), assurant ainsi la survie du gouvernement.
La séquence s’est jouée en deux temps. D’abord, dans l’hémicycle, où Sébastien Lecornu a prononcé une allocution volontairement brève, une trentaine de minutes, répondant point par point aux exigences formulées par le Parti socialiste (PS) : suspension de la réforme des retraites, inflexion fiscale en direction des patrimoines les plus élevés et geste sur le pouvoir d’achat. Les députés socialistes ont salué certains passages, signe d’un apaisement provisoire après des semaines de tension. « On s’y retrouve », a confié un élu au service politique de France Télévisions.
La crainte d’une dissolution du Parlement
Ensuite, à l’heure du journal télévisé de 20 heures de TF1, Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a officialisé la position de son parti. « Je reste dans l’opposition mais je veux qu’il y ait un débat. Nous ne censurerons pas [le gouvernement] dès le discours de politique générale du Premier ministre », a-t-il déclaré, tout en appelant ses députés à respecter la décision collective prise en interne. Quelques heures plus tôt, Boris Vallaud, président du groupe Socialistes et apparentés, avait confirmé que le PS faisait « le pari du débat parlementaire ».
Cette décision est d’abord motivée par des raisons politiques. En obtenant la suspension de la réforme des retraites -une revendication centrale depuis la mobilisation sociale de 2023-, les socialistes peuvent afficher une victoire partielle. Mais ils craignent surtout une dissolution de l’Assemblée nationale, en cas de chute du gouvernement. Dans un contexte politique instable, un retour aux urnes pourrait se traduire par un net recul de leur représentation, comme pour la plupart des formations politiques, à l’exception notable de LFI et du RN, qui espèrent tirer profit d’un scrutin anticipé.
Pour la majorité présidentielle, l’accord permet d’éviter une crise immédiate. « Il a été clair. Il n’a pas prononcé une phrase avec une tournure alambiquée qui permette aux radicaux du PS de s’engouffrer quand même dans la censure », a salué un député macroniste. D’autres, notamment au MoDem, regrettent toutefois le recul sur les retraites. À droite, Bruno Retailleau, président des Républicains, a dénoncé un gouvernement devenu « l’otage des socialistes » et accusé l’exécutif de céder au « cartel des démagogues ».
« Se sont fait rouler dans la farine »
À gauche, la décision du PS suscite de vives critiques. Manuel Bompard (LFI) estime que les socialistes « se sont fait rouler dans la farine » et les invite à « désobéir » à la consigne de leur direction. Eric Coquerel, président LFI de la commission des finances, considère que « le deal ne vaut vraiment pas la peine », tandis que Cyrielle Chatelain (écologiste) et Stéphane Peu (communiste) ont appelé à voter la censure. Sans le soutien socialiste, les motions de LFI et du RN, examinées jeudi, ont toutefois très peu de chances d’aboutir.
Ce compromis ne règle pas les désaccords de fond. La suspension de la réforme des retraites ne vaut pas abrogation, et permet surtout aux macronistes de gagner du temps. Or, une majorité de Français continue de réclamer l’annulation de la réforme, une fiscalité plus redistributive et une hausse des salaires, dans un contexte de précarité croissante. Les associations humanitaires alertent chaque année sur l’augmentation du nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté.
En échappant à la censure, Sébastien Lecornu s’offre un répit politique. Mais cette trêve repose sur un équilibre fragile. Le véritable test aura lieu lors des débats budgétaires, où les engagements pris mardi devront se traduire en mesures concrètes. La relation entre le gouvernement et les socialistes pourrait alors se révéler décisive pour la suite du quinquennat.