Les salafistes ont utilisé comme prétexte à ce déchaînement de violence la tenue d'un évènement artistique (DR)

Tunisie: déchainement de violence intégriste contre les institutions de l'Etat

Les salafistes tunisiens ont visiblement bien entendu l'appel à l'insurrection lancé par l’Égyptien Ayman Al-Zaouahiri, nouveau chef d'Al Qaida, en remplacement de Ben Laden. Une exposition d'art contemporain leur a servi de prétexte pour déclencher des émeutes particulièrement violentes contre les institutions de l'Etat.

Depuis lundi 11 juin et durant trois jours, des émeutiers ont incendié ou vandalisés des commissariats, une annexe de tribunal ainsi que d'autres symboles de l'État dans les banlieues bourgeoises de la capitale puis dans d'autres villes du pays comme Sousse ou Jendouba, rapportent plusieurs témoins.

Selon le ministère de l'Intérieur, les auteurs des ces actes de violence sont principalement des salafistes auxquels se sont mêlés des "voyous" et des casseurs. Plus de 160 personnes auraient été interpellées, dont de nombreux salafistes, mais également des individus sans appartenance partisane et déjà connues de la justice.

Un jeune homme de 22 ans, présenté comme salafiste, a trouvé la mort mardi soir à Sousse (Est). Il avait été atteint plus tôt dans la journée d'une balle dans la tête lors d'affrontements entre manifestants et policiers, rapporte l'AFP.

Les salafistes ont utilisé comme prétexte à ce déchaînement de violence la tenue d'un évènement artistique "Le Printemps des arts", exposant jusqu'à dimanche dernier des œuvres dans le palais Abdellia de La Marsa, sous tutelle du ministère de la Culture. Certains d'entre eux auraient pénétré sur le lieux dimanche et détruit ou lacéré plusieurs de ces œuvres.

Parmi les toiles incriminées, l'une représentant un homme barbu, énervé, que des islamistes radicaux considèrent comme la représentation du Prophète, chose proscrite par l'islam, rapporte l'AFP.

Les bustes de trois femmes enfouis dans un sol recouvert de pierres ainsi qu'une peinture montrant une femme nue le sexe caché par un plat de couscous et surveillée par des hommes barbus ont eux aussi choqué. Ces deux œuvres sont présentes dans le catalogue de l'exposition, selon la même source.

L'attitude ambiguë du gouvernement...

Ces actes ont été dans un premier temps fermement condamnés par le gouvernement. Le ministre de la Justice, Nouredinne Bhiri, les a assimilé à des «actes terroristes», affirmant «que les personnes arrêtées seront jugées en vertu des lois antiterroristes établies sous le régime Ben Ali». Un couvre-feu été instauré.

Mardi soir, le ministre tunisien de la Culture, Mehdi Mabrouk a toutefois annoncé sa décision de fermer la galerie momentanément et de déposer plainte contre l'association organisatrice «qui n'a pas respecté ses engagements».

«Ces œuvres sont d'un niveau artistique très médiocre. L'art doit être beau mais n'a pas à être révolutionnaire (...) l'art ne doit pas porter atteinte au sacré et aux symboles et pour assurer la liberté des artistes, il faut éviter la provocation», aurait-il déclaré au quotidien Le Figaro.

Le mouvement salafiste djihadiste Ansar al-Charia (Les partisans de la charia) appelle sans surprise tous les Tunisiens à manifester après la grande prière de vendredi 15 juin contre les «atteintes à l'islam».

L'imam Abou Ayoub, leader radical, a renchéri appelant les Tunisiens à se soulever «en réponse à ceux qui se moquent de l'islam». C'est ce même imam qui avait appelé en octobre 2011, à attaquer la chaîne de télévision Nessma pour avoir diffusé Persepolis.