Vote sanction : les oubliés de la Tunisie frappent fort

Huit années après la « Révolution du jasmin », la Tunisie pourrait être dirigée par un ultraconservateur allié aux islamistes. Les électeurs infligent un camouflet à la classe politique en votant pour des candidats hors-norme.

Kaïs Saïed, 61 ans, est enseignant universitaire. Sans parti, il a fait cavalier seul dans une campagne sans éclat. Il est pourtant arrivé en tête au premier tour de l’élection présidentielle, dimanche 18 septembre, avec 19% des voix.

Il devance l’homme d’affaires Nabil Karoui, 56 ans, (14,9% des voix), lequel est au coude-à-coude avec le candidat du parti islamiste Ennahda, Abdelafattah Mourou (13,1% des voix).

Le Premier ministre Youcef Chahed se classe, quant à lui, 5ème avec 7,4% des suffrages. Le parti des libéraux « centristes » fondé par le président défunt Béji Caïd Essebsi essuie une lourde défaite.

La participation a été de 45,02 %, remarquablement faible par rapport aux 64% enregistrés lors du premier tour de la présidentielle de 2014.

Le danger d'une régression...

« Les sondages laissaient supposer de tels résultats. Les électeurs sanctionnent des dirigeants qui ignorent les inégalités, la précarité et les difficultés de vie d’une grande majorité de la population. C’est la voix de la Tunisie oubliée. Ils rejettent aussi un système et une classe politique qui s’est laissée aller à de grands dérapages, à des batailles d’égo. Ils pointent ainsi un problème de moralisation de la politique. La gauche, quant à elle, est partie en rang dispersés », explique Nadia Chabaane, militante du Parti El Massar (gauche), citée par le journal l’Humanité.

La Tunisie qui traverse une sévère crise économique, avec un taux de chômage de 15% et près de 7% d’inflation, est sous la coupe du FMI dont les exigences pèsent en premier lieu sur les couches défavorisées.

Les positions de l’ultraconservateur Kaïs Saïed peuvent provoquer un report des voix des islamistes en sa faveur. La régression politique et idéologique est l’autre danger immédiat.