Turquie : Ankara hausse le ton face à Damas et aux Kurdes
La diplomatie turque montre les dents, dans une région où la Méditerranée sous tension devient le théâtre d’équilibres fragiles. “Notre patience a des limites”, a averti cette semaine le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, en référence aux discussions bloquées entre Damas et les forces kurdes syriennes (SDF). Derrière cette déclaration, une inquiétude croissante : la Turquie redoute de voir le nord de la Syrie s’enliser dans une nouvelle zone grise, incontrôlable et minée par les rivalités locales.
Entre dialogue et menace, la ligne dure d’Ankara
Depuis plusieurs mois, Ankara tente d’imposer une dynamique diplomatique. Officiellement, la Turquie appelle au dialogue. Officieusement, elle brandit la menace d’une intervention militaire si les pourparlers n’aboutissent pas. Cette stratégie de double discours vise à maintenir la pression sur le régime syrien, tout en rappelant à ses alliés occidentaux que la Turquie reste un acteur incontournable dans la stabilité régionale.
Les discussions en cours entre Damas et les SDF portent sur une éventuelle intégration partielle des forces kurdes dans l’armée syrienne. Mais les obstacles demeurent nombreux : méfiance historique, rivalités ethniques, divergences d’objectifs. “Nous voulons la paix, mais pas au prix d’une menace sur notre sécurité nationale”, martèle Ankara, obsédée par la présence d’unités kurdes qu’elle assimile au PKK, ennemi juré du pouvoir turc.
Pour Recep Tayyip Erdoğan, cette posture offensive sert aussi à des fins politiques intérieures. À un moment où l’économie turque peine à se redresser, la fermeté sur les dossiers régionaux reste un moyen d’entretenir l’image d’un leader fort, protecteur des frontières et du monde sunnite. Une rhétorique qui parle autant à l’électorat nationaliste qu’à la base islamo-conservatrice.
Mais à trop jouer avec le feu syrien, Ankara prend le risque d’un isolement diplomatique. La Russie et l’Iran, garants du processus d’Astana, s’impatientent. Et l’Occident regarde avec méfiance ce jeu d’équilibriste, dans un contexte où la lutte mondiale contre le terrorisme redéfinit les alliances régionales. Une chose est sûre : si la diplomatie échoue, la Turquie ne restera pas spectatrice.